Communiquer sur le changement climatique

La lutte contre le changement climatique et l’adaptation au changement climatique nécessiteront des changements profonds, impliquant l’ensemble des acteurs du simple citoyen consommateur au décideur économique et politique.
Cela nécessitera de mettre en place des processus de natures variées : la mobilisation des outils de politiques publiques les plus efficaces, l’information simple et stabilisée pour les individus, une clarification des zones de consensus et ceux qui font l’objet du dissenssus.
La communication sur ce point est essentielle, or les militants de la cause et les scientifiques, n’ont pas toujours une communication efficace. Les controverses, tant sur le diagnostic et les objectifs que sur les moyens, sont exacerbées et portées sur la place publique.


Dans les lignes qui suivent nous essaierons d’identifier quelques points clés de la communication sur les changements climatiques. Les contributions sont bienvenues (si possibles avec les coordonnées courriel des auteurs).

1 – Eviter le discours catastrophiste
Le catastrophisme, voire l’annonce de la catastrophe inéluctable, est inhibant et risque de ne pas déclencher l’action. Il ne fait pas miser sur une ontologie de la peur. Il faut dégager un espace pour l’action. Le discours devrait être « le changement est engagé, il y aura des conséquences mais il est possible d’en limiter l’importance par des actions de tous et de chacun ».

2 – Dégager clairement la différence entre l’action et l’inaction.
Pour déclencher l’action il faut faire passer l’idée que l’action a un sens. La communication sur les hypothèses d’augmentation de température « de l’ordre de 1 à 5°C » donne une impression d’incertitude et ne déclenche pas l’action. Les scénarios A2 et B2 du GIEC ne sont pas clairs à cet égard. Il faut clarifier la différence entre l’incertitude des modèles et la variété des scénarios. Il faut illustrer au moins un scénario de la non-action et le scénario de l’action. Ce second scénario ne doit pas être un modèle sophistiqué mais s’appuyer sur les objectifs politiques décidés. Le scénario du facteur 2 mondial et facteur 4 pays développés qui est validé politiquement (France et Europe) est facile à communiquer et à décliner. Ce scénario doit être renforcé et illustré.

3 – Eclaircir l’origine du changement : anthropiques et/ou naturels
Si l’affectation des effets observés est encore sujette à controverse, les différents camps doivent hiérarchiser et savoir affirmer en quoi il y a consensus : « les changements sont en cours et il faut s’y adapter, les effets des sources anthropiques et naturelles s’additionnent, il faut donc diminuer les émissions anthropiques ». La controverse doit se limiter au rythme de réduction des émissions, mais il ne faut pas opposer atténuation des émissions et adaptation au changement.

4 – Eviter le comportement de passager clandestin
La protection du climat relève de la gestion d’un bien public. Le comportement de chaque décideur est normalement celui du passager clandestin qui ne fait pas les efforts et qui souhaite que les autres fassent les efforts à sa place. Quelques affirmations illustrent ce comportement : « au niveau international les Etats Unis n’ont qu’à commencer », « si la Chine n’est pas impliquée cela ne vaut pas le coup d’agir », « pas d’éolien en France les Allemands ne compensent pas leurs émissions avec leurs éoliennes », « je ne pèse rien les industriels doivent commencer »… Le problème de la tragédie des communs (Tragedy of the Commons selon Garret Hardin) est bien connu des experts mais pas des politiques, des médias et de l’opinion publique.
C’est le rôle traditionnel des politiques publiques que d’organiser cette gestion des biens publics, mais l’absence d’autorité mondiale et le principe de souveraineté nationale, empêche de la mener. Il faut donc identifier clairement ce problème et développer un discours de la responsabilité collective et donc de l’éthique de la coopération entre les nations, et au niveau national la légitimité d’une politique publique.

5 – Ouvrir un espace de coopération international
Ce discours de la coopération doit être tenu au niveau international comme national. Cela signifie que le pur intérêt des nations ou des acteurs économiques et leur compétition, fondement du libéralisme, ne peut régler le problème. Les biens publics mondiaux doivent être géré par une coopération et des institutions internationales (Convention sur le Climat, ONUE) qui bornent la compétition (alors que l’OMC l’organise).

6 – Identifier les conséquences pour chacun
Le discours général et global est loin des acteurs. Une identification des conséquences régionales facilitera l’adaptation, et mobilisera les acteurs. L’ONERC va prochainement ouvrir un site qui donnera les résultats des scénarios localisés sur la métropole.

7 – L’information nécessaire pour appliquer les politiques publiques
Une bonne information des acteurs est nécessaire. Les acteurs ne sont pas rationnels par défaut d’information (rationalité limitée) : ils ne savent pas chiffrer leurs coûts (dans une forme qui leur permet de l’intégrer dans leur décision) ou ils ne savent pas envisager les alternatives. La controverse entre les tenants de l’économie pure (outils du marché) et ceux des politiques publiques (fiscalité/réglementation) ne doit pas masquer l’importance de la mise en place d’outils informationnels (étiquetages, évaluation des émissions carbone, diffusion des bonnes pratiques, information sur les technologies…) qui peuvent réduire le déficit informationnel. Développer ces outils informationnels ne tranche pas entre les deux éléments de cette controverse

8 – Conforter l’idée que le prix du carbone sera croissant
Quels que soient par des mécanismes réglementaires (sur l’usage de certaines techniques), la fiscalité ou les outils du marché le prix carbone/énergie va croître inéluctablement. Il faut que ce discours soit clair de la part de tous les acteurs pour favoriser les anticipations, même s’il y a encore des controverses sur les meilleurs mécanismes.

9 – Favoriser les actions précoces
Le discours sur 2050 voir la fin du siècle ne conduit pas à déclencher l’action. Il faut éviter de remettre l’action dans le long terme. L’objectif de facteur 4 à horizon de 2050 doit être traduit par une diminution de l’ordre d’une diminution de 3% par an. Des objectifs intermédiaires peuvent être cités comme -30% en 2020 ce qui prépare -75% en 2050.
Les actions précoces doivent être valorisées par les politiques publiques, mais aussi sur le plan du discours « le premier parti aura un avantage comparatif sur les autres ».

10 – Suivre et évaluer le marché des quotas
La controverse entre les partisans de la fiscalité et les outils du marché obscurcit la visibilité. Les acteurs français (administration et certains milieux économiques) ont une réticence devant les marchés des quotas. Mais le marché est en place au niveau européen, et il le sera du fait de Kyoto. Les partisans de la fiscalité ne peuvent s’opposer à ce que l’on observe correctement le marché des émissions. Il faut en revanche que ce marché soit transparent (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.