La vrai nature de I’ISO 26000 et pourquoi elle n’est pas certifiable

Brodhag C., Les Cahiers Economie et Gestion, APEG, n°126 juin/juillet aout 2015 pp 24-25, Version PDF de la revue

L’élaboration de l’ISO 26000

La commission des consommateurs de l’Organisation internationale de normalisation (ISO), la COPOLCO, a proposé en 2003, l’élaboration d’une norme de management social qui aurait pris place à côté de l’ISO 9001 certification du système de management qualité, et de l’ISO 14001 management de l’environnement. En considérant que la qualité constitue le pilier économique du développement durable, ces trois normes certifiable aurait permis de gérer les 3 piliers du développement durable.

La mise en place d’un groupe de réflexion stratégique et des consultations larges ont conduit  l’ISO à modifier cette orientation initiale.

C’est ainsi que l’ISO a lancé en 2005 la rédaction d’une norme fournissant des lignes directrices, non sujet à certification par tierce partie, sur la responsabilité sociétale, applicable par tout type d’organisation. Elle a mis, pour cela, en place un processus inédit de rédaction. Chaque pays membre de l’ISO a été invité à nommer des experts dans chacune de ces 6 catégories : gouvernement/pouvoirs publics, industrie ou monde des affaires, consommateurs, organisations non gouvernementales, représentants des travailleurs, services, support, recherche et autres. Une quarantaine d’organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales a aussi été associée à cette négociation.

Après cinq versions du texte, cinq ans, huit réunions internationales et la participation de 99 pays, le texte final n’a reçu que 5 vote négatifs en 2010. Plus des 2/3 des pays votants par la voix de leur organisme national de normalisation étaient des pays en développement ou émergeants.

La norme a été écrite « afin d’être utile à tous les types d’organisations des secteurs privé, public et à but non lucratif, de grande ou de petite taille, et opérant dans les pays développés ou en développement ». La norme n’exprime pas d’exigences ; c’est un guide (guidance) qui n’est pas destiné à servir de base à une certification. Ses propositions sont argumentées et mises en perspective de façon à pouvoir être adaptées aux différents contextes. Elle est écrite pour être lue de façon logique et compréhensible par des organisations débutantes « comme si c’était un précis de responsabilité sociétale » alors qu’une organisation plus mature et expérimentée pourrait l’utiliser « pour améliorer ses pratiques existantes et intégrer plus avant la responsabilité sociétale dans son organisation. »

Le contenu de l’ISO 260000

L’ISO 26000 définit la responsabilité sociétale comme la « responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :

  1. contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société;
  2. prend en compte les attentes des parties prenantes ;
  3. respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
  4. est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations »

L’identification de la responsabilité sociétale implique d’identifier parmi sept questions centrales (l’organisation, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs et la communauté et développement local), les domaines d’action concernés par les impacts des décisions et activités de l’organisation.

Pour cela il est recommandé que l’organisation prenne en considération les spécificités sociales, environnementales, juridiques, culturelles, politiques et la diversité des organisations avec qui elle peut être en relation ainsi que les différences de conditions économiques, en toute cohérence avec le respect de la légalité et la prise en compte des normes internationales de comportement. Ces deux principes reconnaissent la légitimité des institutions et donnent un caractère hybride à cette norme :

Le principe de respect de la légalité selon lequel l’organisation se conforme à toutes les législations et réglementations en vigueur, qu’elle prenne des mesures pour en prendre connaissance et se tenir informée et informer ceux qui font partie de l’organisation qu’ils sont tenus de les observer et les mettre en œuvre ;

Le principe de prise en compte des normes internationales de comportement recommande que l’organisation adopte les principes généralement acceptés de droit international et ne se rende pas complice de manquements, notamment dans les situations et dans les pays où la législation ou sa mise en application ne comporte pas de garde-fous environnementaux ou sociaux adéquats.

Elle propose aussi le principe de reconnaissance des intérêts des parties prenantes selon lequel l’organisation reconnait et prend en considération les intérêts spécifiques d’autres individus ou groupes qui sont ses parties prenantes et qu’elle y réponde. La relation avec les parties prenantes se fonde sur les droits de ces parties, et sur la compatibilité de leurs attentes avec le développement durable.

En plus de ces 3 principes l’ISO 26000 en propose 4 autres : Le principe de redevabilité, de transparence, de comportement éthique et le principe de respect des droits de l’Homme.

L’ISO 26000 ne vise pas à remplacer, altérer ou modifier, de quelque façon que ce soit, le devoir de l’État d’agir dans l’intérêt public, au contraire ces lignes directrices mettent la conformité réglementaire au cœur de la responsabilité sociétale. Le principe des normes internationales de comportement est une façon de faire progresser le droit international y compris dans les pays qui n’ont pas ratifiés les accords en question. En faisant référence dans sa bibliographie à plus de 140 textes internationaux, l’ISO 26000 est même une introduction succincte au droit international sur les questions environnementales, sociales et de droit de l’Homme.

L’ISO 26000 établit donc une passerelle entre le monde des institutions et celui des normes d’engagements volontaires. Cela a fait dire qu’il s’agit d’une norme hors norme.

C’est l’orientation de maitrise des impacts et de prise en compte du contexte, notamment juridique, qui rend impossible de certifier globalement la conformité d’une entreprise à l’ISO 26000.

Il ne s’agit pas en effet d’un processus de management dont on pourrait certifier la mise en œuvre, il ne s’agit pas non plus d’un processus de gestion des parties prenantes dont on pourrait aussi certifier le suivi de procédures de consultations.

Comme il s’agit réellement d’intégrer le développement durable dans la stratégie de l’organisation, il ne peut être question de certifier une stratégie. En revanche une stratégie se met en œuvre et s’incarne dans les actions. Rendre compte de sa stratégie (redevabilité) et garantir la conformité entre les déclarations et les actes peut être vérifié par tierce partie (transparence), ce qui est tout autre chose. La vérification factuelle à la conformité aux normes internationales de comportement est aussi une voie apportant de la crédibilité à cette stratégie

Cette norme est donc non certifiable, tant dans son objectif que dans sa forme en n’établissant pas d’exigences. Cela n’empêche pas certaines entreprises internationales de consultance et de certification, de continuer à militer pour une certification, qui pourrait leur permettre de créer un marché sur une approche standard amortissable sur tout type d’organisations alors que l’accompagnement des organisations sur l’ISO 26000 doit être du cousu main. Leur offensive de promouvoir la certification à l’occasion de l’enquête sur la révision de la norme, s’est soldée par un échec.