Quel futur pour les énergies renouvelables ?

Je remercie les organisateurs de m’avoir invité à ce salon des Energies renouvelables qui a le mérite de rassembler sous le même toit toutes les énergies renouvelables qu’elles concernent aussi bien le domaine de la production d’électricité, du chauffage ou des carburants. Les énergies renouvelables touchent en effet tous les domaines d’usage de l’énergie. Elles ont une place essentielle dans la stratégie vis-à-vis des changements climatiques avec la maîtrise de l’énergie, le nucléaire et la capture et la séquestration du carbone. Cela a été particulièrement souligné lors du débat sur les énergies que le gouvernement a mené durant l’année 2003 et ces énergies trouvent toute leur place dans la loi d’orientation sur l’énergie en cours de vote actuellement.

L’objectif des politiques européennes vise à limiter à 2°C le réchauffement moyen. Selon l’avis des scientifiques du GIEC cet objectif implique au moins la stabilisation à 550 ppm c’est-à-dire une diminution de moitié des émissions globales. Les conclusions de la conférence internationale sur le climat d’Exeter, des 1 à 3 février 2005 ont renforcé le sentiment d’urgence. Au-delà de 2°C, la probabilité d’avoir des évènements extrêmes devient très importante. Pour diminuer ce risque, ne pas dépasser la limite de 400 ppm pourrait devenir un objectif de politique publique. Dans ce cadre, les émissions devraient être approximativement nulles. Sans prendre en compte ces possibilités plus extrêmes que le progrès des connaissances devrait confirmer ou infirmer, et compte tenu du principe de responsabilités communes mais différenciées et des besoins d’augmentation des pays en développement, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre visé à horizon 2050 pour les pays industrialisés doit être d’un facteur 4 à 5. Cet objectif de réduction des émissions par 4 ou 5 à horizon 2050 figure dans la stratégie française du développement durable. Il est compatible avec les premiers objectifs que l’Union se fixent à moyen terme. Tout cela implique un développement sobre en énergie et de mobiliser toutes les sources possibles. Les énergies renouvelables sont donc centrale et doivent s’inscrire dans des logiques aussi bien de court que de moyen et long termes.

Le protocole de Kyoto maintenant en vigueur et ses engagements ne sont donc qu’une étape. Je vous rappelle que pour la France l’objectif de Kyoto est de maintenir en 2010 les émissions de 1990 c’est-à-dire de faire 0% par an sur 20 ans, alors que le facteur 4 à 5 c’est diminuer d’environ 3% par an. Nous ne sommes donc pas sur les mêmes trajectoires. Il faudra donc largement mobiliser l’innovation, que ce soit dans la technologie ou dans l’organisation de nos sociétés. Pour cela il est nécessaire de faire de la R&D en partenariat, et coopérer autant en amont sur les technologies qu’en aval sur les transferts et la diffusion. C’est donc un peu cela l’après Kyoto : il faut préparer des changements profonds, l’enjeu est énorme.

L’importance de ces sujets fait que la question du climat et de l’énergie a été mis à l’ordre du jour du G8, cette année. Ainsi, le président Jacques Chirac a affirmé son souhait que le sommet du G8 de Gleneagles, permette de réengager les Etats-Unis sur ce sujet qui est vital pour l’avenir de notre planète et que nous sachions faire preuve d’imagination pour convaincre, notamment par des transferts de technologie, les pays émergents pour faire des choix énergétiques durables qui permettront de lutter contre les changements climatiques sans entraver le développement et la croissance économique.

La question que je vais aborder aujourd’hui est celui de la mise en œuvre des énergies renouvelables. Je ne vais explorer aujourd’hui que quelques pistes pour ouvrir avec vous le débat et le dialogue.

Le Salon porte sur les énergies renouvelables. Vous me permettrez de mettre en perspective certains problèmes identifiés pendant ces travaux et des débats auxquels j’ai pu assister. Le contexte du développement durable implique de minimiser les coûts économiques et sociaux des changements des modes de production et de consommation qui sont rendus nécessaires pour diminuer nos émissions. Deux pistes principales permettent de diminuer ces coûts :
– la technologie qui permet d’avoir un résultat plus efficient à coût plus faible
– la recherche d’opportunités en termes économiques, d’emploi, de nouveaux services et nouveaux produits donc de l’innovation aussi

Tout d’abord il faut noter que la France est l’un des premiers pays producteurs européens d’énergies renouvelables (ENR), grâce notamment au bois combustible et à l’hydroélectricité. En 2003, avec 18,2 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) comptabilisés en production primaire (soit 13,2% de la production nationale énergétique) pour l’ensemble des énergies sources renouvelables (y compris la production d’électricité), l’hydraulique en représente 31%, le bois et les déchets de bois 51%, les déchets urbains solides 12% et les biocarburants 2%. Nous avons donc une certaine expérience du sujet.

Il faut également Les énergies renouvelables ont des caractéristiques qui les différencient notablement des énergies classiques : elles sont diffuses et intermittentes. En fait l’usage de l’énergie nécessite de répondre à 3 questions où ? quand ? et comment ? La filière pétrolière répondait facilement à ces questions peu de problèmes de transport, peu de problèmes de stockage et une grande flexibilité des usages. Cette période est révolue. Répondre à ces questions nécessite pour les énergies renouvelables une intégration plus fine dans les systèmes de consommation. Elles se situent autant du côté du management de la demande que celui de l’offre. Ce changement induit des changements assez profonds. Prenons quelques exemples : Comment construire des bâtiments à énergie positive sans intégrer les systèmes d’isolation, de stockage l’énergie et de mobilisation des apports gratuits c’est-à-dire de capteurs solaires, et d’autres dispositifs ? Pour les énergies renouvelables de réseaux (éolien, hydrolien…) ces questions néanmoins se posent à des degrés moindres, mais posent le problème d’articulation, notamment la planification des réseaux en même temps que l’offre devient disponible. La faible taille des installations pose aussi des problèmes de transaction entre tous les acteurs qui sont nécessaires à leur mise en œuvre. Les décisions en système énergétique centralisé sont plus aisées que dans un système décentralisé.

Prenons deux exemples, l’un constitué par l’éolien et l’autre par le bois-énergie.

Nous nous rendons compte en France aujourd’hui des difficultés dans le cadre du déploiement de l’énergie éolienne. Dès sa création, en août 2004, la délégation interministérielle au développement durable a renforcé l’animation et la coordination des actions des administrations de l’Etat dans le domaine de l’éolien. Nous avons commencé par l’organisation d’une réunion inter-administrative sur l’énergie éolienne, à laquelle quelques 90 personnes étaient présentes, représentant environ 24 départements, 14 régions et 10 ministères, pour faire émerger des les expériences, échanger des bonnes pratiques et identifier les problèmes rencontrés sur le terrain. A l’issue, a été mis en place un Extranet sécurisé inter-administratif sur l’éolien accessibles à tous les fonctionnaires d’Etat concernés. Il permet la mise en place d’un processus légitime d’échanges. Cela permet de rendre le circuit d’instruction administrative encore plus rapide, homogène et sûr juridiquement, dans le respect de la protection de l’environnement, le développement de la filière éolienne et la concertation (information et participation). Sur ce site Extranet, les fonctionnaires de l’Etat peuvent trouver un ensemble de documents administratifs très complet sur l’éolien, des commentaires et récapitulatifs. Ces points proposés couvrent notamment la question des recours que de la sécurité des éoliennes, du bruit des éoliennes, les perturbations hertziennes, les documents d’urbanisme et outils d’aménagement du territoire ou la fiscalité des éoliennes off-shores. Elles sont composées de documents d’origines diverses. Pour mieux faire connaître ces éléments, a été mis en place une lettre inter-administrative de contact sur l’éolien. Elle a notamment mobilisé les personnes concernées par le Séminaire de formation des 15 au 17 mars 2005 à Bouin. Finalement, nous sommes en train de mettre en place une nouvelle étape avec l’aide des services du Ministère de l’écologie et du développement durable afin d‘être capable de répondre non plus génériquement aux demandes d’information sur les règles administratives, mais de manière plus spécifique. Par ailleurs, lors de la Commission Supérieure des Sites, Perspectives et Paysages, en sa séance du 7 avril 2005, au Ministère de l’écologie et du développement durable, la Délégation Interministérielle au Développement Durable a annoncé la création d’un groupe de travail des « Parties » sur le thème « Energies renouvelables et paysages ».

Finalement, un nouveau dispositif est mis en place : le comité national éolien. Le Plan Climat adopté en juillet 2004 par le Gouvernement, précise qu’un comité éolien sera placé sous l’égide du Conseil supérieur de l’énergie pour examiner les évolutions possibles de la réglementation et trouver des solutions aux blocages de projets pouvant représenter un intérêt d’envergure nationale. Cette instance devait être créée par la loi d’orientation sur l’énergie, en discussion au parlement. Sans attendre l’adoption définitive de cette loi, et dans le souci de ne prendre aucun retard, le Gouvernement a mis en place un comité éolien dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz. Ce comité est composé d’élus, de représentants de l’administration. Le Conseil supérieur de l’électricité et du gaz a souhaité que l’ADEME participe à ses travaux. Il s’est réuni jusqu’à présent deux fois. Il a ainsi pu aborder les questions suivantes : les procédures relatives aux éoliennes et les indicateurs de suivi ; l’acceptation de l’éolien qui recouvre différents problèmes d’information, de concertation, de planification ; la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui vise à prendre en charge le surcoût du soutien à l’éolien ; la gestion des demandes de raccordement et les prescriptions techniques générales ; la sécurité des installations éoliennes suite aux incidents récents survenus. Le comité national éolien a également auditionné les opérateurs du secteur et rencontré les acteurs locaux. Les questions à venir du comité devraient porter sur le bilan du dispositif réglementaire mis en place en France, dont en particulier l’application de la circulaire du 10 septembre 2003 adressée aux préfets concernant la promotion de l’énergie éolienne. Les travaux actuellement menés dans le cadre de ce comité sont essentiels puisqu’il s’agit de permettre l’essor de cette source d’énergie non polluante et non émettrice de gaz à effet de serre sans que cela soit préjudiciable à la qualité et au cadre de vie de nos concitoyens.

Cette posture nouvelle de l’action publique pour faire émerger une énergie décentralisée apparaît comme une véritable rupture pour l’organisation de l’Etat, et des problèmes d’organisation plus globale.

Je vais prendre un second exemple constitué par le bois-énergie. Le ministère de l’industrie avait lancé en 1994 le plan bois énergie développement local (PBEDL), visant à créer une dynamique durable de chauffage au bois dans les bâtiments collectifs. Ce premier programme a permis l’installation entre 1994 et 1999 de 320 chaufferies bois (190 dans le secteur habitat collectif et tertiaire, 130 dans l’industrie) d’une puissance globale de 263 MW consommant 70 000 tep de bois par an. Il a permis la création de 210 emplois locaux hors secteur manufacturier. Dans le prolongement du PBEDL, le programme bois-énergie 2000-2006 s’inscrit dans le cadre des contrats de plan Etat-Régions. Il vise l’ensemble du territoire national y compris les départements d’Outre-mer et concerne les usages collectifs, industriels, mais aussi individuels du bois de feu. L’ADEME et les régions associées devraient consacrer 15,2 Meuros/an aux mesures d’accompagnement de ce plan portant sur un mécanisme d’aides à l’investissement pour l’acquisition de chaufferies-bois ouvert aux entreprises industrielles, et au résidentiel-tertiaire. L’expérimentation d’installations de cogénération au bois est encouragée dans ce cadre. S’ajoute un système de promotion du chauffage individuel au bois qui s’appuie sur la certification des appareils de chauffage et l’organisation de réseaux de distribution de bois combustible de qualité. Le programme bois-énergie conduit par l’ADEME a pour objectifs maintenant de maintenir à hauteur de 8 M tep/an la consommation domestique de bois (bûches principalement) et d’améliorer de 10 % le rendement énergétique et la performance environnementale des chaudières individuelles (création d’une marque NF bois de chauffage et d’un label qualité Flamme verte). Il a également pour ojectif d’installer 1 000 nouvelles chaudières collectives ou industrielles à bois au cours de la période 2000-2006, (soit une puissance installée de 1 000 MW, équivalent à 300 000 tep) grâce à des actions structurantes sur la technologie, le marché d’approvisionnement et au partenariat avec les collectivités locales et les professionnels partenaires de la filière bois. Entre 2000 et 2003 (bilan cumulé), la réalisation de 762 chaufferies a été engagée (522 dans les secteurs collectif et tertiaire, 240 dans l’industrie du bois) pour une puissance de 1000 MW. L’investissement total entre 2000 et 2003 représente 218,5 Meuros dont 37 M euros d’aides de l’ADEME. Ce programme devrait engendrer la création de 2 000 emplois dans les filières d’approvisionnement dont 600 pour l’exploitation des chaufferies.

Vous voyez, il apparaît plus facile de mobiliser des moyens pour la fusion nucléaire que pour le renouvelable. Pour la fusion, il suffit d’une masse critique de décisions, certes lourdes, pour déployer les moyens. En revanche le développement significatif des énergies renouvelables nécessite de faire intervenir de multiples décisions, un grand nombre d’acteurs, ce qui est un problème qu’il faut considérer de façon précise.

Plus globalement, pour les court et moyen terme, les objectifs français sont ambitieux. En matière d’objectifs d’énergies renouvelables, le projet de loi fixe à l’horizon 2010 une augmentation de 50% de la production de chaleur d’origine renouvelable. Il réaffirme l’engagement de la France de respecter l’objectif indicatif de 21% d’origine renouvelable de la consommation intérieure d’électricité totale à l’horizon 2010. En ce qui concerne la production de chaleur d’origine renouvelable, d’ici 2010, est visée une hausse de 50 % soit de l’ordre de 5,5 Mtep. Concernant les biocarburants, l’Etat crée les conditions permettant de porter conformément à nos engagements européens à 2% au 31 décembre 2005 et à 5,75% au 31 décembre 2010 la part des biocarburants et des autres carburants renouvelables dans la teneur énergétique de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transports.

Le développement significatif des énergies renouvelables nous pose donc des problèmes inédits de par leur nature même. Mais il pose aussi le problème de l’innovation. En effet il s’agit dans la plupart de temps de technologies nouvelles, dans l’enfance, qu’il faut faire émerger et accompagner dans leur croissance. La question de la recherche développement est donc centrale, ces filières ne sont pas encore toutes rentables et réclament souvent encore des mises au point. Est-on sûr que toutes les approches sont bien explorées ? Parmi les technologies l’éolien terrestre paraît être mature, mais d’autres filières possibles y compris dans le terrestre comme l’intégration dans les dispositifs architecturaux, on peut faire de l’éolien de taille plus faible, de l’off shore, des dispositifs de captation de l’énergie marine… Le nœud reste quand même autour de la question du type des instruments politiques nécessaires pour déployer ces énergies qui soient à la fois efficients et favorables à la recherche développement et à la diffusion des innovations.

Deux pilotages de l’innovation sont en général proposés et opposés : le push et le pull, (on n’utilise pas en français les termes de pousser et tirer). Les technologies push sont poussées par l’offre publique et la planification par l’Etat, dans la recherche et le déploiement, c’est-à-dire l’innovation, cela a été par exemple le cas du nucléaire en France. L’approche pull compte sur la demande et le marché pour tirer l’innovation et repose plutôt sur le secteur privé. Le côté hybride des énergies renouvelables, que j’évoquais précédemment, se retrouve aussi ici. On est à la fois dans le push et le pull. C’est tout le problème de leur gouvernance qui est posé. La puissance publique n’est pas en situation de faire elle-même. Le contexte de la libéralisation ne l’y aide pas, mais de par la nature même des énergies renouvelables, la puissance publique ne peut pas faire elle-même. Elle doit donc chercher à stimuler le secteur privé, et des acteurs divers, faciliter des initiatives variées, en mobilisant des outils nouveaux, souvent des outils du marché. Il faut développer une approche économique assurant la rentabilité des entreprises et des projets, mais aussi l’intervention de divers corps de métiers, le déploiement de compétences nouvelles comme cela a été évoqué dans les ateliers. La question est d’organiser une chaîne plus complexe de décisions, incluant des processus d’acceptation locale des autres occupants du territoire ou des autres utilisateurs des ressources en jeu.

En fait nous sommes dans un système assez bien décrit par la sociologie de l’innovation, et je vous vous prie d’excuser, à l’universitaire que je suis, cette référence un peu théorique. La sociologie de l’innovation considère que le succès d’une innovation dépend plus de la construction d’un « réseau technico-économique convergent » que de la seule performance technique ou d’une planification rationnelle. Alors qu’est ce qu’un réseau technico-économique convergent, c’est la capacité que l’on a de mettre en jeu des acteurs d’origines différentes, privées ou publiques, de la recherche, des collectivités ou autres qui apprennent à parler le même langage et arrivent à partager les mêmes objectifs d’innovation. On est donc dans une culture nouvelle, une culture de réseau où les échanges d’expériences et des bonnes pratiques tiennent une grande part dans le processus d’innovation, ce n’est pas seulement une technique qui doit être imposée mais tout un système complexe de décision qui doit être mis en œuvre. Dans ce contexte nous devons nous poser des questions nouvelles :
– Quels sont donc les acteurs dont les interventions sont nécessaires pour le déploiement des énergies renouvelables ? Il s’agit des acteurs directs, mais aussi des facilitateurs ? Les tables rondes ont montré la variété des activités économiques qui sont liées à ce déploiement.
– Quelles compétences nouvelles ces acteurs doivent-ils maîtriser ?
– Quels mécanismes doivent permettre d’assurer leur intervention conjointe et les transactions techniques et économiques qui assurent la rentabilité économique des projets ?
– Comment évaluer les projets ? Mais aussi comment évaluer l’ensemble du dispositif ? Nous devons en effet pouvoir répondre à certaines critiques, par l’évaluation et l’accès à l’information. Il faut vérifier si l’on ne crée pas, avec les marchés accompagnés des rentes de situation ou si au contraire ceux-ci permettent légitimement d’amorcer l’innovation.
– Comment ne pas favoriser uniquement les techniques les plus abouties, mais plutôt favoriser l’innovation et donc les technologies qui pourraient être plus utiles à l’avenir. Comment éviter le risque du verrouillage technologique, c’est-à-dire de rester dans des ornières technologiques, alors que des innovations permettraient de faire mieux autrement ?

Il faut donc rester dans une posture très ouverte sur ces questions. Il faut développer les projets, mais aussi développer en même temps le suivi et l’évaluation, notamment économique, des projets mais aussi évaluer les politiques publiques pour montrer que l’on a mis en place le dispositif le plus efficace en matière énergétique, au coût le plus faible pour la collectivité que ce coût soit économique, environnemental ou social.

Voilà des questions posées aux politiques publiques.

Fondé sur ces idées, la France a entamé un chemin ambitieux dans ce domaine. Partant de l’objectif de division par 4 des émissions de CO2, elle a bâti une stratégie cohérente pour développer des nouvelles technologies de l’énergie (NTE). Pour ce faire, au-delà du programme électronucléaire, elle s’est inspirée d’un programme de R&D déjà organisé avec un succès reconnu dans le domaine des transports terrestres : le PREDIT (Programme Recherche et développement, Innovation pour les Transports), ainsi que de l’action conduite par l’ADEME dans le cadre de programmes de recherche associant laboratoires publics et industriels.

Plus précisément, le Ministre de l’Economie des Finances et de l’Industrie, la Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable, la Ministre déléguée à la Recherche et la Ministre déléguée à l’Industrie ont confié, le 17 mars 2003, à un groupe de travail présidé par Thierry Chambolle, la mission d’identifier les objectifs et les axes de priorité de la recherche française et européenne dans le domaine de l’énergie pour répondre à l’horizon 2050 aux enjeux permanents de ce secteur tout en réduisant de manière drastique les émissions de CO2 afin de contenir le réchauffement climatique et de faire des recommandations sur l’évolution des dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation pour atteindre ces objectifs. Il s’est efforcé d’identifier les objectifs qui aideront à sélectionner les thèmes de recherche que l’ensemble des acteurs concernés, Union européenne, Etat français et industrie devraient reconnaître comme leurs priorités, que leur horizon soit le court terme (2005/2010), le moyen terme (2020) ou le long terme (2050), qu’ils visent les ressources, les vecteurs ou les usages.

Les conclusions de ce rapport, remis au début de l’année 2004, insistent notamment sur l’importance du développement des énergies renouvelables. Le rapport recommande également de lancer un programme « hydrogène et pile à combustible » qui est également une logique renouvelable.

Il a alors été demandé à la direction de la Technologie, du Ministère en charge de la recherche, de s’appuyer sur ces conclusions et d’animer un second groupe de travail en collaboration avec les directions concernées des ministères en charge de l’Environnement, de l’Equipement et de l’Industrie. La mission du groupe étant d’établir une proposition de programme de R&D sur les nouvelles technologies de l’énergie, en dehors du champ de l’énergie nucléaire. Les travaux de ce nouveau groupe de travail, présidé par Jean-Jacques Gagnepain ont abouti à définir des priorités dans cinq domaines. Ils présentent des propositions de programmes de R&D et le financement public nécessaire à leur réalisation. Ces programmes sont organisés par un comité de pilotage, ils sont articulés en thèmes de R&D d’intérêts commun coordonnés par des entités privées et publiques. La place des énergies renouvelable est essentiel, je vous donne le détail complet :
– Lancement d’un nouveau programme de R&D « Hydrogène et pile à combustible », s’appuyant sur les acquis et les pratiques du réseau de recherche et d’innovation « piles à combustibles » co-animé par l’ADEME et le CEA et rassemblant l’ensemble des industriels et des équipes de recherche impliqués.
– Maîtrise de la chaîne du CO2 : de la combustion des ressources possibles à la capture du CO2 et à son stockage. L’ensemble des acteurs intéressés sont d’ores et déjà rassemblés au sein d’un « club CO2 » animé par l’ADEME en liaison avec le réseau technologique pétrole et gaz.
– Mise en place d’un programme de recherches coordonnées sur l’énergie solaire photovoltaïque, permettant d’amplifier significativement les recherches et développements conduits par l’ADEME avec ses partenaires, organismes publics et industriels.
– Maîtrise de la consommation énergétique dans le bâtiment, prenant la suite du programme « bâtiment 2010 » mis en œuvre par l’ADEME.
– Développement du potentiel de la biomasse, notamment en ce qui concerne les usages dans le secteur des transports. Le PNRB (Plan National de Recherche sur la Biomasse) associe l’ADEME, l’IFP, le CNRS et l’INRA)

Ces orientations ont été reprises, en ce qui les concernent, dans le projet de loi d’orientations sur les énergies, le plan climat et le plan véhicule économe et propre.

Une agence de programmes a été crée : l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), afin de les mettre en œuvre. Elle reprend notamment ces programmes. Un programme supplémentaire, celui des transports terrestres a une intersection importante avec les questions énergétiques. Finalement, le programme éco-technologie pourra inclure des domaines émergents, comme, par exemple les énergies marines, toujours en quête d’un programme structuré.

Ce dispositif est complété par l’Agence de l’Innovation Industrielle (AII). Elle est chargée d’identifier et de soutenir des grands programmes innovants. Elle s’appuiera d’abord sur les grandes entreprises et fondera son action ainsi que la définition de ses priorités sur une analyse des forces et faiblesses de l’industrie française. Elle s’appuiera sur les compétences (ressources humaines, potentiel de recherche, infrastructures) développées dans le cadre des pôles de compétitivité. Elle mettra en place des programmes mobilisateurs pour l’innovation industrielle (PMII). Ils sont destinés à durer entre cinq et dix ans et les montants des financements publics sont estimés entre trente et cent cinquante millions d’euros par an et par projet, pour une période de cinq ans environ. Le principe des PMII consiste à construire des synergies analogues à celles que visaient les politiques industrielles des années soixante, dans un contexte où l’intervention publique a pour vocation d’encourager les acteurs privés à développer eux-mêmes ces synergies. En un sens, on retrouve une synergie entre entreprises, secteur de la recherche et dynamique des marchés, mais le secteur public est simplement le catalyseur de cette configuration. Ces programmes sont ouverts à toutes les entreprises européennes et ne se limitent donc pas aux entreprises nationales. Parmi les exemples de Programmes Mobilisateurs pour l’Innovation Industrielle de la future Agence de l’Innovation Industrielle, le rapport Beffa propose des technologies directement liées au problème climatique : la pile à combustible et la filière hydrogène, la voiture économe et propre, les biocarburants, le solaire photovoltaïque ou la capture et la séquestration du CO2.

L’AII qui attribuera des avances remboursables pour soutenir des projets fédérateurs sous maîtrise de groupes industriels complétera le dispositif en faveur de la recherche et de l’innovation qui sera ainsi basé au niveau national sur 3 piliers :
– l’Agence nationale de la recherche pour les projets en partenariat avec la recherche publique et la recherche technologique non finalisée ;
– groupe Oséo (BDPME, Anvar, ADPME) pour le soutien aux PME et la valorisation de leur recherche
– l’Agence de l’innovation industrielle pour les grands projets fédérateurs en partenariat avec les groupes industriels.

Mais bien entendu cette exhaustivité de la recherche des solutions nécessite une coopération internationale, car chaque pays chaque acteur ne pas explorer chaque filière. Il faut se partager les priorités de travail pour pouvoir ensuite se concentrer sur les technologies identifiées collectivement comme les meilleures filières. Il ne faut donc pas travailler uniquement sur la maille française ou européenne. Certaines organisations internationales sont incontournables comme l’Agence Internationale de l’Energie ou la Convention cadre pour les changements climatiques et les mécanismes de développement propre du protocole de Kyoto. Nous avons aussi pour la France le réseau de la francophonie avec l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la francophonie, l’IEPF, qui joue un rôle dans les transferts et le renforcement de capacité des pays francophones en développement en matière d’énergie.

Voilà quelques éléments survolant la problématique énergies renouvelables et développement durable. Je vous propose quelques éléments de réponse des pouvoirs publics. Je suis à votre disposition pour continuer cet échange ouvert aujourd’hui.

Je vous remercie de votre attention et remercie les organisateurs de leur accueil.