Les lacunes de la loi climat

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, aborde une grande variété de thèmes et pour la plupart marque des avancées. Elle est censée mettre en œuvre le catalogue des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Ces avancées sont-elles suffisantes, sans aucun doute non, mais une fois le mouvement engagé il sera toujours possible pour la plupart d’entre elles d’en réhausser les ambitions.
Mais deux questions ne sont pas traitées dans la loi : l’intégration de l’ensemble des questions environnementales et l’innovation.

Le carbone ne fait pas tout

La focalisation sur l’énergie et le carbone minimise dans la plupart des mesures la prise en compte des trois autres questions environnementales complémentaires : la biodiversité, les ressources et les pollutions. Le projet de loi se focalise par exemple sur l’énergie dans la rénovation et ne prend pas en compte les matériaux c’est-à-dire le cycle de vie. Or la France est en retard sur les feuilles de route internationales (Alliance Mondiale du Bâtiment et de la construction, GABC), européenne (le programme une vague de rénovation publié le 14 octobre dernier) et les réseaux internationaux (comme le WGBC) intègrent l’économie circulaire dans les approches. La prise en compte du cycle de vie et des matériaux dans la future réglementation RE2020 est limitée à la seule construction neuve, et qui plus est seulement à travers le seul contenu carbone. Or l’intégration des matériaux recyclés, biosourcés ou locaux dans la rénovation recèle des possibilités de création de valeur et d’emploi sur les territoires.
La lutte contre le dérèglement climatique ne doit pas s’appuyer uniquement sur la contrainte réglementaire, mais aussi sur la promotion de l’innovation. C’est l’esprit de cette loi que de miser sur la contrainte et de ne pas stimuler l’éco-innovation. Pourtant c’était une des propositions de la convention citoyenne : « Développer et soutenir l’innovation de la transition »
L’article 14 inscrit certes dans la loi la nécessité de cohérence entre la stratégie nationale de recherche et la stratégie nationale bas carbone, au même titre que la stratégie nationale en santé. Mais les autres stratégies environnementales comme la biodiversité ou l’économie circulaire resteraient ainsi absentes. Des amendements visent à introduire la biodiversité. Plus proche de l’entreprise et de l’innovation le Crédit Impôt Recherche est absolument aveugle vis-à-vis des questions de la transition écologique, alors qu’il devrait être conditionné à l’intégration de l’écoconception au cœur du processus d’innovation. Un amendement propose son évaluation environnementale. Certes l’ADEME et BPI apportent des financements non négligeables à l’éco-innovation mais sans qu’ils soient intégrés dans un programme d’ensemble.

L’innovation

Faire reposer la transition écologique sur l’innovation, nécessite de ne pas se limiter au numérique ou aux technologies. Les innovations environnementales sont nécessairement systémiques et peuvent combiner des innovations procédés, produits, services, organisationnelles ou économiques, comme l’économie de la fonctionnalité. Bien des innovations pertinentes sont frugales et permettent une économie de moyens et de ressources, combinant ainsi faible coût, accessibilité sociale et performance environnementale. Les solutions innovantes en économie circulaire, énergies renouvelables et services des écosystèmes sont liées à un territoire. C’est au niveau local qu’elles se développent et c’est là où ces trois objectifs environnementaux se combinent en faisant fi des cloisonnement administratifs et législatifs nationaux.
Une politique d’innovation pour la transition devrait ainsi à la fois porter sur chaque étape de la maturité et de la diffusion des éco-innovation, en levant les obstacles liés aux risques et à l’accès aux connaissances. Elle doit être aussi territorialisés à travers le développement de véritables systèmes d’innovations locaux qui mobilisent l’entreprenariat et la créativité au plus près des ressources et des besoins.