Relance verte : pour une intelligence collective pour le développement durable VV163

Le changement profond nécessité par la crise écologique pose le problème de la conduite du changement et des dynamiques de transition. Les demandes de la société civile et des citoyens militants pour le changement font en général référence à deux modes de changement. Le premier appelle à de la contrainte, notamment réglementaire, qui s’exerce directement sur la production et la consommation, soit indirectement via des conditionnalités environnementales de la fiscalité et de la finance. La seconde est le changement des mentalités, un appel à une réforme morale, un changement dans les têtes. Mais ces demandes aussi légitimes soient-elles se heurtent à des obstacles qui en limitent l’influence.

Pour fonder la réglementation contraignante il faut une légitimité politique, en régime démocratique les citoyens peuvent rejeter les responsables politiques qui introduisent ces contraintes. Ceci est vrai au niveau national avec législation ou la taxe carbone comme la crise des gilets jaunes l’a démontré. C’est aussi vrai au niveau local comme par exemple les villes qui introduisent des limites à l’usage de l’automobile. Recourir au référendum peut assoir une légitimité politique, mais la simplicité des questions imposée par cette procédure ne peut pas embrasser la complexité et l’ampleur des changements. On ne change pas la société par décrets.

L’application de la réglementation implique des mesures de contrôle dont le coût peut-être rapidement exorbitant, si les critères sont nombreux. Les conditionnalités environnementales des financements, subventions ou crédit, posent le même problème de vérification des allégations environnementales qui ne peuvent s’appuyer que sur un très faible nombre de critères. Dans un cas comme dans l’autre c’est le coût de vérification qui limite l’efficacité et surtout la qualité et la profondeur du changement.

L’appel au changement moral, risque-lui de se limiter à des intentions, à l’attente d’un changement du « système » qui justifie l’absence de passage à l’acte. Quelle offre proposer à une demande qui n’est pas formalisée.

Un collectif d’associations s’est mobilisé pour une relance verte. En adoptant le slogan ‘comprendre et agir tous ensemble’ il lance une initiative pour une intelligence collective centrée sur les solutions et l’entreprenariat. Cette initiative conduit à se poser des questions : Quelles solutions techniques ou organisationnelles ? Quels produits ou services ? Quels les nouveaux modes de consommations et de production ? Quelles nouvelles organisations sociales permettent de résoudre LE PROBLEME ?

Ces associations considèrent que les réponses sont avant tout dans les mains des entrepreneurs. La diversité des solutions est portée par une diversité d’entrepreneurs relevant de régimes variés : entreprises privées, entreprises à mission et de l’économie sociale et solidaire, associations, professionnels ou collectif de citoyens.

Bien entendu la viabilité des solutions nécessite un cadre institutionnel et financier adéquat mais la connaissance est un facteur limitant de leur diffusion. La crise post Covid19 nécessite des politiques vigoureuses de relance et de soutien aux solutions environnementales, mais ces politiques doivent aussi financer la connaissance ; une intelligence collective qui permette de renforcer la capacité des acteurs économiques. Renforcer la capacité d’un nombre plus élevé de ces entrepreneurs à concevoir et adopter ces solutions, et à faire progresser l’offre. Renforcer la capacité des décideurs du côté de la demande, le simple consommateur, l’acheteur ou le maître d’ouvrage, à identifier et adopter les solutions contribuant le plus au développement durable.

C’est dans cette logique qu’un appel à rejoindre l’action pour une Relance verte a été lancé à destination de ces entrepreneurs, les engageant à participer à un processus d’intelligence collective orienté vers les solutions par le partage des connaissances et la formation (www.relanceverte.fr/appel/). Mais ces mêmes acteurs demandent que les pouvoirs publics soutiennent des connaissances considérées comme un bien public, ouvert et partagé.

Un exemple : la rénovation du bâtiment

La rénovation des logements et du patrimoine tertiaire qui est une pierre angulaire de la relance verte peut illustrer cette nécessité de déployer une intelligence collective.

La rénovation massive des logements risque sacrifier la qualité et l’ambition de la rénovation à la quantité, en ne prenant en compte que des critères quantitatifs simples comme le nombre de m2 rénovés. Une logique monocritère focalisée sur le climat et l’énergie conduit à ignorer les autres impacts environnementaux comme la biodiversité et les ressources, et les questions de santé, de qualité d’usage et plus généralement la création de valeur.

Les récentes propositions du Sénat sur la rénovation sont fondées sur un postulat l’environnement est cher, et donc qu’il faut à la fois mobiliser des investissements publics et se limiter à l’énergie. L’Etat devant prendre en charge les surcoûts liés à la mise en œuvre des préconisations sanitaires, et établir un moratoire sur les normes nouvelles. Sans que cela soit précisé, il doit s’agir aussi de la gestion des déchets et de l’économie circulaire qu’une récente loi envisage à travers des redevances en étendant le principe responsabilité étendue du producteur au secteur du BTP.

Or la feuille de route internationales de l’Alliance Mondiale pour le Bâtiment et la Construction (Global ABC) pour atteindre zéro carbone en 2050 porte pour un tier sur les matériaux bas carbone. Cela implique l’existence, sur le territoire de filières de biomatériaux, de recyclage ou de matériaux traditionnels (terre, roche), et des technologies et des pratiques de leur intégration dans la construction. Toutes ces activités étant créatrice de valeur et d’emploi sur le territoire. L’économie circulaire dans la construction est une composante de la lutte contre l’effet de serre et doit être considérée comme une composante de la relance verte.

L’ensemble des questions environnementales climat, biodiversité, ressources minérales et santé doivent être envisagées simultanément. Or du point de vue des politiques nationales ce sont des questions qui s’opposent, et dont les coûts s’additionnent. En revanche au niveau concret des solutions ces questions peuvent être abordées en synergie. Dans le domaine de l’écoconception des produits, il a été démontré une rentabilité supérieure quand un nombre plus grand d’étapes du cycle de vie et d’enjeux environnementaux sont pris en compte, car cela stimule l’innovation.

Dans le bâtiment, neuf ou réhabilitation, l’éco-conception permet d’intégrer l’ensemble des questions environnementales sur tout le cycle de vie du projet en incluant l’usage. La prise en compte de l’usage et de l’occupant conduit à une meilleure maitrise environnementale mais aussi une meilleure acceptabilité de ces changements.

Dans le bâtiment tertiaire il a été démontré une meilleure productivité au travail dans des bâtiments écoresponsables centrés sur l’occupant qui combinent performance environnementale, qualité d’usage, ambiance et air sains. Les gains financiers des économies d’énergie sont très inférieurs aux gains de cette productivité. La prise en compte simultanée de ces critères est créatrice de valeur.

Le domaine de la construction est une activité de projet, c’est-à-dire que chaque cas est différent et doit être conçu sur mesure. C’est encore plus vrai pour la réhabilitation où l’on est contraint par le bâtiment existant.

Une approche environnementale large et une posture économique et de production de valeur peut s’allier à une intégration sociale et un accès à tous. Des solutions frugales permettent d’allier les coûts faibles et une performance environnementale et l’accessibilité universelle. Ces solutions centrées sur l’occupant s’inscrivent véritablement dans le développement durable.

Cette équation prenant en compte toutes les variables en même temps qui parait insoluble, a été résolue par des pionniers innovateurs. Ils ont innové, ils ont trouvé des solutions. Ces innovations doivent être stimulées, diffusées, et adoptées massivement.

C’est à cela que répond une approche d’intelligence collective. Il faut former aux méthodes de conception, mais aussi échanger entre pairs sur les expériences, identifier les exemples les plus aboutis pour inspirer les autres entrepreneurs, et lever tous les obstacles cognitifs.

Il est proposé de consacrer un pour mille des financements verts à cette intelligence. Le retour financier de la pertinence et l’efficacité des solutions et la diminution des risques, justifie un investissement public dans cette intelligence.