Energie, climat et développement durable

Réflexions sur les solutions énergétiques du problème climatique après l’échec de la Commission du développement durable


Le président Nicolas Sarkosy a considéré le soir même de son élection que le changement climatique serait la grande affaire du quinquennat en exhortant les Etats Unis à s’engager. La Commission du développement durable des Nations-Unies qui a débattu sans pouvoir conclure la première quinzaine de mai, à New York des questions d’énergie, de climat et d’industrie illustre les grandes difficultés qui sont devant nous.

Première difficulté la contradiction entre les pays, au sein de chacun des deux camps : Union européenne et pays du G8 d’un côté et G77 de l’autre. Dans le camp des pays industrialisés la contradiction touche la politique des Etats Unis opposée jusqu’à présent à tout engagement institutionnel dont le protocole de Kyoto et l’Union européenne de l’autre qui a ratifié le protocole. En revanche des convergences apparaissent sur le thème des partenariats technologiques. Certes les Etats Unis voient dans la technologie la solution miracle et y investissent massivement, alors que l’Europe y voit une des solutions seulement. Les Etats Unis développent leur stratégie de domination technologique dans tous les cadres : Nations Unies ou G8 mais contournent aussi le cadre institutionnel de la convention climat en traitant directement ave l’Australie, la Chine, l’Inde et la Corée du sud dans le cadre de l’accord Asie-Pacifique sur l’énergie et le climat. Un positionnement stratégique de la France s’impose, évitant de s’engager dans certaines impasses technologiques pour travailler et maîtriser celles qui s’imposeront.

Les intérêts divergents aussi dans le reste du monde. Il y a peu d’intérêts communs entre les pays les moins avancés du G77, les pays producteurs de pétrole et les pays émergeants comme la Chine. Ces derniers recherchant par tous les moyens un accès aux ressources. Mais leurs émissions par tête en forte progression restent largement en dessous de celles des Etats Unis et dans une moindre mesure de l’Europe.

Deuxième difficulté, il n’y a pas de solution miracle, mais la combinaison de toutes les solutions disponibles. Or les solutions les plus immédiates pourraient rapidement apparaître comme des impasses si elles ne maîtrisaient pas leurs conséquences environnementales et sociales : comme les agrocarburants ou le nucléaire.
L’utilisation des agrocarburants, qui n’en est qu’à un usage marginal aux Etats Unis, a déjà déséquilibré le marché alimentaire mexicain en faisant exploser le cours du maïs. Elle pose dans certains cas des problèmes environnementaux lourds comme pour les plantations d’huile de palme dans certaines forêts tropicales d’Indonésie et de Malaisie. La compétition va s’exacerber entre la production de biocarburant et les autres services écologiques, au premier rang d’entre eux l’alimentation mondiale. Le basculement des Etats Unis vers l’importation de super tankers d’éthanol produit massivement dans la ceinture intertropicale par la canne à sucre, aurait un coût écologique et social, mettant encore plus en péril la forêt amazonienne. Les agriculteurs brésiliens sont intervenus, à la tribune de la CDD, pour revendiquer l’accès à ces revenus et une rétribution proportionnelle au prix du carburant. En Europe, OMC et réforme de la PAC obligent, le basculement des subventions à l’exportation alimentaire, vers la production de biocarburants trouvera aussi ses limites si l’on ne bascule pas à la seconde génération c’est-à-dire l’utilisation de l’ensemble de la plante qui permet de produire à la fois le service alimentaire et le service énergétique.

Le rapport de UN Energy parrainé par la FAO « Sustainable Energy: A Framework for Decision Makers » () qui est paru le 8 mai pointe bien les problèmes : « Faute de nouvelles politiques pour protéger les terres menacées, d’une utilisation des terres socialement acceptable et d’un développement bioénergétique dans une optique durable, les dégâts environnementaux et sociaux pourraient dans certains cas l’emporter sur les avantages. »

En se référant clairement à l’utilisation de certaines cultures pour la production de biocarburants, UN-Energy précise : « En général, il convient d’éviter les cultures qui nécessitent beaucoup d’énergies fossiles (comme les engrais classiques) et des terres arables de valeur, et qui ont des rendements énergétiques par hectare relativement faibles. »
Les dynamiques économiques sont déjà largement à l’œuvre, les régulations écologiques et sociales pas encore. Il faut rapidement développer les outils d’évaluation de la durabilité des divers services écologiques.

Le nucléaire contribue à ce que l’électricité française produise considérablement moins de gaz à effet de serre que les centrales au charbon allemandes ou britanniques. Si la question nucléaire n’arrive pas à être évoquée officiellement au niveau européen, du fait de la réticence de certains de nos partenaires, elle l’a été à New York, y compris par des pays africains. La revendication nucléaire apparaît comme une revendication politique d’un Sud solidaire avec l’Iran, en face de l’occident. Le Chili par exemple et l’un des portes drapeaux de cette thèse. La revendication des pays en développement est de pouvoir disposer des mêmes atouts que les pays industrialisés. Leur refuser le nucléaire, au nom de la situation du premier arrivé deviendra de plus en plus difficile à argumenter politiquement. Le lien entre civil et militaire étant inséparable, une nouvelle doctrine devra être élaborée par la France : le retour du plutonium après traitement, au pays d’origine des combustibles irradiés étant l’exemple le plus illustratif de ce qu’il ne faut pas faire. Les zélateurs du nucléaire français devront aussi se garder d’un discours totalitaire, comme celui de refuser le développement des énergies renouvelables ou du captage et du stockage du CO2 des centrales au charbon.
Les émissions actuelles de 6 gigatonnes (GtC/an) devraient passer tendanciellement à 14 GtC/an en 2050. C’est-à-dire les émissions de carbone devraient augmenter de 120% en 44 ans. Ce scénario entraînerait en 2050 des niveaux de concentration de carbone dans l’air incompatibles avec la vie sur terre (2°C maxi). Une réduction de 50% c’est-à-dire une émission de 3 GtC/an en 2050, est nécessaire pour atteindre ce que les océans et la végétation sont actuellement capables d’absorber chaque année.

C’est bien une approche mobilisant l’ensemble des solutions qui est nécessaire, les coins de stabilisation “wedges” selon l’expression du Pr Robert Socolow. Chacun de ces 14 coins permettrait d’économiser chacun 1gigatonnes d’émission. Comme aucun pays ne peut développer les recherches sur chacun d’entre eux, la coopération internationale est nécessaire.

La question politique principale posée à la communauté mondiale est de circonscrire un champ de coopération pour gérer des biens publics globaux dans un monde dominé par une compétition exacerbée. Comment, par exemple, élaborer un modèle de coopération technologique international ? Les pays en développement demandent un accès gratuit alors que le modèle des brevets reste un des moteurs de l’innovation industrielle et du financement de la recherche.

L’échec de la Commission du développement durable des Nations Unies repousse un peu l’espoir de discussion commune énergie climat.

Pour en savoir sur le thème énergie climat :

La lettre de la SNDD

Les portails énergie et climat de Médiaterre