Défis énergétiques et environnementaux : solutions pour un développement durable.

Rapport Général Emile Tanawa, Christian Brodhag

Réunis par l’IEPF et l’AUF près de 130 experts chercheurs et acteurs du développement durable issus des 34 pays ayant le français en partage se sont réunis à l’Université de Laval à Québec pour mener une réflexion prospective et envisager l’avenir.

Cette manifestation est placée sous le double objectif

Marquer le vingtième anniversaire de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la francophonie IEPF et mener une réflexion sur l’avenir de l’Institut qui a apporté un soutien aux pays et diffusé des connaissances dans l’espace francophone, sur l’énergie, l’environnement, puis aujourd’hui, la responsabilité sociétale et le développement durable dans toutes ses composantes.

Le second objectif est la préparation de la XIIème conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage qui se tiendra à Québec du 17 au 19 octobre 2008. Ce sommet conduira à des engagements de trois types :
– Des engagements nationaux pour le mieux être de leurs populations et découlant de leur appartenance à la francophonie,
– Des engagements nationaux à porter dans les différentes enceintes internationales ou régionales,
– Des orientations permettant des renforcements et des inflexions à l’action de l’OIF et des opérateurs de la francophonie.

Les débats ont été d’une grande richesse, mêlant connaissances scientifiques, diagnostics et exemples de solutions, mêlant prise de conscience globale et sens du concret.

Nous devons rendre hommage à toutes les contributions. Dans ce rapport, vous nous permettrez de ne pas citer les uns et les autres, de ne pas retracer fidèlement les apports de chacune et de chacun, cela sera fait dans les rapports écrits qui seront disponibles prochainement. Je remercie ici les rapporteurs qui ont contribué au rapport général. Je vous demande votre indulgence.

L’ensemble des participants considère que le sommet des chefs d’Etats des pays francophones se déroule à un moment crucial de l’évolution de nos sociétés, au moment où certains problèmes identifiés depuis de nombreuses années par les experts s’illustrent aujourd’hui concrètement par des crises qui doivent conduire plus rapidement à l’action.

En ayant fixé le thème de la Xème conférence qui s’est tenue à Ouagadougou les 26 et 27 novembre 2004, sur le développement durable et la solidarité, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient déjà donné une impulsion politique qui s’est traduite concrètement par la programmation de l’OIF et des programmes d’actions. C’est une relance et un approfondissement que le Sommet de Québec doit apporter. Prenant acte des acquis mais aussi des faiblesses, il doit résolument inscrire les pays de la francophonie dans les mutations internationales en cours.

Nous, peuples du monde, vivons la même crise, elle prend des formes différentes selon les pays et leurs conditions géographiques, économiques, environnementales et sociales mais elles s’imposent à tous. Une responsabilité commune mais différentiée doit être la base de processus de coopération nouveaux.
Les problèmes de pauvreté, la crise environnementale, les difficultés d’accès aux ressources, les maladies, l’instabilité politique, tous ces problèmes ont des interconnexions croissantes.

La compétition sur les ressources naturelles est exacerbée, l’énergie en provenance de la biomasse peut venir en compétition avec l’alimentation. L’empreinte écologique, inégale selon les pays, vient peser sur les ressources de base et la capacité de renouvellement de la planète, sa capacité à maintenir des sols productifs, et des écosystèmes aptes à fournir les services de base de la vie saine et productive à laquelle tous les peuples aspirent.

Cette même crise est une mutation de civilisation car si certains problèmes ne sont pas nouveaux, leur ampleur en change la nature. Depuis son origine, l’humanité a été confrontée à la recherche de ressources, cette recherche a souvent été source de conflits, de migrations et de changements souvent brutaux.

Mais l’interdépendance des problèmes et des pays, et l’ère du monde fini qui commence rend nécessaire de trouver de solutions coopératives sauf à accepter la fatalité de conflits nouveaux.

Le fait que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont liés les uns aux autres, nécessite une compréhension holistique et systémique, des solutions intégrées, des processus de coordination.
La mondialisation des problèmes appelle des solutions mondiales et des institutions mondiales renouvelées.
La profondeur des problèmes doit aussi impliquer chaque citoyen, car 50% des émissions de gaz à effet de serre par exemple le fait des individus.

Le changement nécessaire est civilisationnel, il impose d’inventer un monde nouveau post industriel, et de nouvelles régulations.

Ce changement est vécu comme une crise non seulement du fait des problèmes qui nous assaillent, mais parce que le monde qui naît, ce monde nouveau, ne peut être compris par le monde qui s’éteint.

Ce changement est vécu comme une crise par l’absence de vision positive, par la difficulté notamment des jeunes, de se projeter dans un avenir où ils ont une place, où ils peuvent envisager un progrès.

Il s’agit d’un changement de raretés, certains biens deviennent plus rares, moins disponibles et plus chers comme l’énergie, l’eau, les terres fertiles, sous la double pression de l’accroissement de la population et de la consommation individuelle de ressources, mais certains biens comme l’information deviennent plus abondants, la connaissance se partage avec un coût quasi nul.

Ces problèmes sont sources de tensions potentielles mais aussi autant d’occasion de processus de coopération et d’échanges.

Ces problèmes sont autant de champ d’innovation de changement de technologies, d’organisation sociale ou des modes de production et de consommation.

La francophonie espace solidaire fondé sur le partage d’une langue et accordant un rôle essentiel à la culture comme composante du développement durable, a une responsabilité mondiale.
– La francophonie qui traverse tous les écosystèmes et tous les systèmes d’organisation économique et sociale, peut être un laboratoire pour les solutions de développement durable.
– La francophonie est un espace d’échange susceptible de déployer une véritable société de la connaissance pour un développement durable

La francophonie doit contribuer
– à rendre cette crise civilisatrice apte de créer des liens et des solidarités nouvelles
– à rendre cette crise fertile en faisant émerger un projet mobilisateur, enthousiasmant pour chacun et particulièrement les jeunes.

L’IEPF et l’AUF et les réseaux qu’ils mobilisent réunis ensemble notent la nécessité d’un lien plus étroit entre la connaissance et l’action, entre la recherche et les acteurs de terrain, entre les innovations technologiques et techniques issues des laboratoires et l’innovation organisationnelle des bonnes pratiques de terrain.
Ils peuvent contribuer à rendre opérationnelles les connaissances économiques pour éclairer la vraie nature de certains problèmes,
Ils peuvent rendre opérationnels les concepts comme les services écologiques ou les biens publics (mondiaux et locaux).

Mais le développement durable doit irriguer l’ensemble des actions de l’OIF et des opérateurs de la francophonie. A cet effet une stratégie de développement durable de la francophonie pourrait être élaborée. Développant une vision partagée et des axes stratégiques elle permettra d’organiser la cohérence et les synergies entre les actions menées par chacun des opérateurs, les soutiens des organisations multilatérales et bilatérales dans le domaine du développement et de l’environnement. Les débats ont fait naître de nombreuses propositions qui pourraient être intégrés à cette stratégie.

Sur les thèmes suivants, la francophonie pourrait adopter des approches intégrées et impliquant l’ensemble des composantes de la francophonie, impliquant les décideurs, les acteurs de terrain et la communauté universitaire. Dans la plupart des cas ces sujets font déjà l’objet d’initiatives internationales dans lesquelles il est essentiel de mobiliser d’avantage les pays francophones tant pour valoriser leurs apports, que pour prendre en compte leurs besoins et les insérer dans les grandes évolutions en cours.

La Francophonie doit trouver des domaines d’actions où elle a un avantage comparatif et elle ne doit pas dupliquer les actions menées par des institutions internationales mais veiller à ce que les pays francophones aient accès au financement de projet malgré leur absence de maîtrise de la langue anglaise.
Toute une panoplie d’approches doit être utilisée pour contribuer au renforcement de capacité : informations, formation, expérimentation, communauté de travail et de pratiques, en utilisant aux mieux les technologies de la communication comme Médiaterre.

A cet effet les pratiques et les modèles exemplaires venus des pays francophones pourraient être identifiés et diffusés au niveau international.

Ces programmes d’actions doivent partir des besoins des pays. Le développement économique, la diminution de la pauvreté, la saine gestion des ressources naturelles, toutes composantes de la capacité des pays à atteindre les objectifs du millénaire, repose sur la capacité scientifique et éducative, sur la capacité administrative, institutionnelle et juridique, sur des systèmes d’information et de statistique, sur des règles partagées de responsabilité sociétale. Toutes capacités qui stimulent l’initiative publique et privée, attirent les aides publiques et les investissements privés et créent les conditions d’un développement durable. L’efficacité des actions de la Francophonie dans les pays dépend de l’identification dans le pays des besoins en capacité qu’il faut créer ou renforcer et qui ont un véritable effet de levier sur le développement. Comme ces actions relèvent de la diffusion de connaissances et d’outils, la langue française est essentielle.

La citoyenneté environnementale
– Education
– Importance du genre

Les stratégies nationales de développement durable
– Donner les moyens à l’IEPF pour accompagner la généralisation des SNDD
– Disposer des compétences pour légiférer sur le DD
– Développer un cadre de gestion du développement durable au sein de l’administration publique
– Poursuivre la dynamique engagée en mettant en avant la transversalité dans les méthodes employées

Bien prendre en compte l’approche par les services des écosystèmes.

La responsabilité sociétale des organisations
– Diffuser les pratiques et suivre les négociations internationales comme ISO 26000

Les systèmes statistiques et le renforcement capacité
– Mettre en œuvre des mécanismes d’auto évaluation nationale des capacités
– Evaluer les effets et l’efficience des actions de renforcement de capacité
– Besoin de prise en compte de la comptabilité environnementale
– Mettre les expertises en réseau pour la formation

Liens possibles entre l’AUF et l’IEPF :
– Dans la collection « Savoirs francophones », ouvrir une thématique commune IEPF-AUF
– Possibilités d’organiser en commun des journées de formation et d’information ;
– Appels communs de recherche en réseau avec cofinancement
– Mobiliser la complémentarité entre les outils développés par l’AUF et l’IEPF dans le cadre de projets de terrain (voir les 3 premiers points) ;

Agir sur les milieux de la recherche
– Fournir aux acteurs du développement durable, des données permettant la lisibilité des contextes et des logiques qui y sont à l’œuvre ;
– Introduire la transdisciplinarité ; introduire dans tous les projets la dimension santé des écosystèmes et santé humaine ;
– Introduire dans les projets soutenus par l’IEPF et l’AUF une dimension suivi systématique par les chercheurs.
– Mettre en place des mécanismes ou des instruments de soutien aux jeunes équipes de recherche du Sud pour les consolider et les pérenniser
– Multiplier les actions de formation des chercheurs du sud à la rédaction scientifique et au montage de projet pour financements internationaux (en s’associant à d’autres organismes qui pratiquent déjà cette formation FIS IRD, etc…)
– Inciter les universités à développer la recherche action et à la valoriser dans l’évolution des carrières des chercheurs, au Sud comme au Nord
– Inciter l’IEPF à accompagner la transposition du projet Ouranos dans les pays du sud, en Afrique subsaharienne notamment.
– L’AUF doit soutenir la diffusion de l’information scientifique et la rendre accessible au plus grand nombre : chercheurs, praticiens, experts…
– La francophonie devrait agir au plus haut niveau pour créer des synergies avec le NEPAD dans le domaine des énergies renouvelables
– Recommande aux Etats africains de créer un fonds de recherche pour faire vivre la recherche en Afrique

Formation
– Développement des formations ciblées sur objectifs le plus souvent en partenariat
– Innover dans la formation initiale en revisitant les programme pour y intégrer des enseignements sur le DD
– Introduire des formations sur le financement du DD dans ses différentes composantes, la gestion des risques financiers liés à la régulation

Gestions des ressources
– Biocarburants : Agir en amont et par la recherche pour éviter les effets redoutés sur les écosystèmes
– Les diagnostics et les connaissances des services écologiques
– Favoriser la coalition autour de la Gestion des terres pour le développement durable

Les normes et labels avec les organismes francophones de normalisation

Les processus de mise en œuvre des partenariats publics privés.

Les modes de consommation et de production
– Inscrire les pays francophones dans le processus de Marrakech pour l’élaboration et la mise en œuvre du Cadre décennal de programme(10 YFP),
– Voir les priorités pour l’Afrique
– Organiser la réflexion thématique : Carbone neutre, Zéro déchets, Aliments à faible impact environnemental

Outiller les états pour gérer « l’après-pétrole »
– Analyser les besoins et stratégies des pays du Sud
– Analyser les besoins et stratégies pays francophones pour l’accès aux ressources énergétiques
– Formation et préparation de portefeuilles de technologies de l’énergie et de la maîtrise des consommations pour réduction du Carbone
– Faciliter l’accès aux financements disponibles pour l’efficacité énergétique et les ENR,
– Développement des techniques alternatives
– Introduire des balises qui permettent d’éviter les spéculations
– Contribution au World Energy Outlook de l’AIE (spécial Afrique)
– Organiser des rencontres entre décideurs/intervenants de différents horizons (différentes institutions, différents pays, privé, public, etc.). Faire se rencontrer, se parler les intervenants
– Renforcement des interventions dans le secteur pétrolier, notamment la formation des décideurs

Les processus de régulation des services (énergie, eau…) avec les organismes en charge de la régulation
– Inciter les analyses des facteurs de succès et d’échecs de la restructuration
– Renforcer sa démarche dans la stimulation de partenariats public-privé

Agriculture dans une logique consommation production

L’IEPF a déjà mené des actions dans nombre de ces sujets. Mais quelques opérations, aussi exemplaires soient elles, ne changent pas la situation si elles ne sont pas généralisées.

L’IEPF pas bailleur mais interface entre les bailleurs et les outils

Dans ce cadre l’IEPF pourrait jouer un double rôle
Celui d’assurer l’animation de la stratégie de développement durable de la francophonie et coordonner au nom du secrétaire général des actions menées par les différents opérateurs de la francophonie.
Celui de mener une action de renforcement de capacité sur le développement durable par l’information, la formation, l’expérimentation, la diffusion des connaissances, en veillant à l’adéquation entre les besoins de chaque pays, les lacunes et les manques de capacité pour cibler de façon stratégique les actions,
A cet effet l’IEPF pourrait favoriser la constitution de communautés de travail en utilisant les technologies de communication comme Médiaterre.