Mondialisation : la place des ingénieurs

Article pour Les News des Mines


Au moment où je quitte ma fonction après 4 ans d’intense activité visant à donner du contenu et des outils au développement durable, je saisis l’opportunité pour interpeller les jeunes ingénieurs sur leur rôle dans ce monde à construire fait d’incertitudes et d’opportunités.

La question des régulations sociales et environnementales de la mondialisation est de plus en plus à l’ordre du jour. L’interrelation des problèmes comme l’effet de serre, le prix du pétrole, le développement des biocarburants et la crise alimentaire, montre qu’une approche systémique et holistique est nécessaire. La crise écologique est globale. Les problèmes sociaux sont aux aussi globaux. Une solution à un problème peut en effet poser des problèmes dans un autre domaine.

Certains se réfugient dans le déni de cette réalité complexe et se replient dans l’illusion que l’on peut s’abstraire de la mondialisation, et qu’une gestion féodale de baronnies locales permettrait de se protéger contre les « barbaries » du monde extérieur. L’autre solution est d’analyser les situations, de contribuer à l’élaboration des solutions et de trouver sa place dans cette mondialisation. C’est valable autant pour un pays comme la France que pour une entreprise.

En absence de gouvernement mondial différents processus de gouvernance se superposent : un cadre multilatéral négocié par les Etats au sein du système des Nations Unies dont les décisions ne peuvent pas s’imposer devant la souveraineté nationale et des initiatives privées de responsabilité sociétale. A travers cette RSE les entreprises multinationales, visaient dans un premier temps, à réduire les risques notamment de réputation, mais aujourd’hui ce modèle, qui se négocie par exemple à l’ISO (ISO 26000), contribue positivement au développement durable.

Interrelations entre les problèmes, incohérences institutionnelles, incertitudes sur les connaissances, instabilité des relations avec les différents acteurs, diversité des références culturelles et des rationalités : tout s’enchevêtre pour mettre de l’incertitude dans toutes les décisions.

L’ingénieur dont la vocation est d’inscrire le changement dans la matière et les organisations doit être capable d’agir dans cette complexité. Il ne s’agit pas seulement de technologie. Le rapport Brundtland de 1987 qui a défini pour la première fois le développement durable dénonçait les limitations de l’état de nos techniques et de notre organisation sociale vis-à-vis des enjeux. Le développement durable répond à des urgences environnementales par des solutions économiques et sociales. Il s’agit donc de modifier assez profondément les modes de consommations et de production, et la façon d’envisager le progrès économique et social. L’ingénieur ne peut donc se réfugier dans la seule technique mais doit être immergé dans les attentes de la société. Sa responsabilité est de contribuer au développement durable.

Nos pays occidentaux ne peuvent plus prétendre à la domination idéologique du monde : leur modèle n’est pas viable. Le modèle occidental n’est en effet pas généralisable à l’ensemble de la planète du fait de sa forte empreinte écologique et des limitations des ressources. Pour réduire par deux les émissions mondiales des gaz à effet de serre, ce qui est nécessaire pour stabiliser le climat, les pays industriels doivent les réduire par 4. L’ambition du changement est immense.

Les pays occidentaux n’ont plus le monopole de la technologie. Alors que leur modèle économique ne cible que les 20% les plus riches, les pays émergeants visent le marché des 80%, et inventent des solutions plus efficaces. Le micro-crédit indien, l’économie circulaire chinoise, la voiture à 2000 euros, autant de solutions inventées au Sud qui par effet boomerang changeront la situation au Nord.

Il n’y a plus de rente de situation. L’invention de l’économie sans carbone et d’un développement vraiment durable, est mondiale.