Responsabilité sociétale un élément de la gouvernance du développement durable

Les lignes directrices pour la responsabilité sociétale (RS) ISO 26000 fait la synthèse entre deux logiques l’une fondée sur les parties prenantes et un comportement éthique et l’autre plus institutionnelle visant à aller plus loin que la conformité au droit. Déclinée au niveau de chacune des organisations la RS peut être un élément de la gouvernance du développement durable.

Origines de la responsabilité sociétale

Historiquement la première vision de la responsabilité sociétale des entreprises, dite contractualiste, considère une sorte contrat moral qui lie les acteurs de la société. Cette approche donne une grande importance au processus managérial et à la façon dont se développent les relations de l’entreprise avec ses parties prenantes au-delà des seuls actionnaires.

La seconde, l’approche institutionnaliste est apparue sur la scène internationale en 1997, 5 ans après Rio. Elle s’inscrit dans la prise de conscience des limites de la gouvernance, notamment internationale, et de la recherche de régulations en matières environnementale et sociale. Les entreprises sont invitées à s’engager de façon volontaire au-delà des obligations réglementaires.

C’est ainsi qu’en 1997 l’initiative pour un rapport Global (Global Reporting Initiative) impulsée par le PNUE, des entreprises et des ONG, a permis d’élaborer un cadre de rapportage pour les entreprises avec une batterie d’indicateurs. En 1999 le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan interpelle les entreprises lors du forum de Davos pour qu’elles s’engagent par un Pacte Mondial sur neuf principes en matière de droit de l’homme, de droit du travail et d’environnement, suivis quelques années plus tard en 2005 par un dixième principe sur la corruption.

Figure 1 : Eléments clés de l’histoire du développement durable

Comme illustré sur la figure 1, l’histoire du développement durable est marquée par l’apparition de différents concepts qui viennent progressivement s’intégrer aux précédents (environnement, développement durable, responsabilité sociétale, économie verte) mais aussi par l’influence d’acteurs qui vont porter ces nouveaux concepts.

C’est dans ce contexte international que l’ISO a lancé la négociation sur des lignes directrices de responsabilité sociétale. Cette organisation internationale non gouvernementale réunissant les organismes nationaux de normalisation est traditionnellement dominée par le monde économique. Elle a mis en place un processus inédit pour l’élaboration de l’ISO 26000. Chaque pays membre de l’ISO a été invité à nommer des experts de chacune de ces 6 catégories : gouvernement/pouvoirs publics, industrie ou monde des affaires, consommateurs, organisations non gouvernementales, représentants des travailleurs, et enfin services, support, recherche et autres. Une quarantaine d’organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales a aussi été associée à cette négociation.

Après cinq versions du texte, cinq ans, huit réunions internationales et la participation de 99 pays, le texte final a reçu un fort soutien et seulement 5 votes négatifs.

Le contenu de l’ISO 26000

L’ISO 26000 hybride les deux modèles institutionnaliste et contractualiste, elle ne s’adresse pas seulement aux entreprises mais à tout type d’organisation. Elle renforce la légitimité et l’efficience du droit, et donc les institutions qui les portent, en le mettant au cœur de l’engagement de responsabilité sociétale. Applicable à tout type d’organisation l’ISO26000 permet d’organiser la coopération pour le développement durable entre différents acteurs public et privés, de la société civile et du monde économique.

L’ISO 26000 définit la responsabilité sociétale comme la « responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :

  • 1. contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société;
  • 2. prend en compte les attentes des parties prenantes ;
  • 3. respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
  • 4. est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations »Cette définition illustre bien l’hybridation des deux modèles identifiés au-dessus : les points 1 et 3 appartiennent à une vision institutionnaliste, alors que les points 2 et 4 se rattachent à une vision contractualiste.

Lorsqu’une organisation assume sa responsabilité sociétale, son objectif primordial est de maximiser sa contribution au développement durable. Le texte recommande que l’organisation prenne en considération les spécificités sociales, environnementales, juridiques, culturelles, politiques et la diversité des organisations avec qui elle peut être en relation ainsi que les différences de conditions économiques, en toute cohérence avec les normes internationales de comportement.

L’ISO 26000 identifie quatre principes d’origine « contractualiste » les principes de redevabilité (accountability), de transparence, de comportement éthique et de reconnaissance des intérêts des parties prenantes, et 3 principes d’origines institutionnalistes : le principe de respect du principe de légalité, de prise en compte des normes internationales de comportement et de respect des droits de l’Homme

L’ISO 26000 détaille ensuite sept questions centrales et les domaines d’action associés en matière de responsabilité sociétale, pour lesquels des informations sont fournies sur le périmètre de chaque question centrale, sur son rapport avec la responsabilité sociétale, assorti de considérations et de principes spécifiques ainsi que les actions et attentes associées.

Le premier domaine d’action est l’organisation elle-même qui doit intégrer les principes de la responsabilité sociétale dans les processus de décision et de mise en œuvre et aborder l’ensemble des questions centrales et les domaines d’action, de façon intégrée et holistique. Cette gouvernance comprend à la fois des mécanismes formels de gouvernance, reposant sur des processus et des structures définis, et des mécanismes informels, émergeant en fonction des valeurs et de la culture de l’organisation.

Droits de l’Homme : l’organisation devrait assurer un devoir de vigilance et remédier aux atteintes aux droits de l’Homme, de façon à les promouvoir en matières civile et politique, économique, sociale et culturelle, éliminer les discrimination notamment dans le domaine du travail, vis-à-vis de groupes vulnérables et gérer les situations présentant un risque notamment de complicité de violation des Droits de l’Homme.

Relations et conditions de travail : portant sur les pratiques liées à l’emploi et au dialogue social employeur/employé, les conditions de travail, la protection sociale et la santé et sécurité au travail et le développement du capital humain.

L’environnement : qui concerne à la fois la prévention de la pollution et l’utilisation durable des ressources avec deux thèmes l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques et la protection et la réhabilitation des écosystèmes et de la biodiversité

Loyauté des pratiques : visant la lutte contre la corruption et pour un engagement politique responsable, le respect des droits de propriété, la promotion d’une concurrence loyale et de la responsabilité sociétale dans la chaîne de valeur

Questions relatives aux consommateurs : promouvant des pratiques loyales en matière de commercialisation, d’informations et de contrats, l’éducation et la sensibilisation du consommateur pour une consommation durable, l’accès aux services essentiels, la protection de la santé et de la sécurité et de la vie privée des consommateurs.

Communautés et développement local : l’implication auprès des communautés dans lesquels l’organisation opère et l’investissement dans la société, la création de richesses et de revenus, d’emplois, le développement des technologies, la santé et le développement des compétences, de l’éducation et de la culture.

La responsabilité sociétale dans le contexte de la gouvernance du développement durable

Figure 2 : Gouvernance du développement durable une architecture d’ensemble

L’ISO 26000 ne vise pas à remplacer, altérer ou modifier, de quelque façon que ce soit, le devoir de l’État d’agir dans l’intérêt public. Au contraire ces lignes directrices mettent la conformité réglementaire au cœur de la responsabilité sociétale

Le développement durable doit être pensé et mis en œuvre à tous les niveaux, c’est pourquoi les processus de décision, la gouvernance telle que discutée à Rio, est multiniveaux. Au niveau international les questions institutionnelles portent à la fois sur le processus de coordination des différentes politiques internationales avec le rôle de la commission du développement durable ou du dispositif qui la prolongera, et sur le renforcement du pilier environnemental avec le renforcement du PNUE ou sa transformation en une organisation internationale. Au niveau national il s’agit de Stratégies nationales sur le développement durable et la déclinaison des accords internationaux dans le droit national et enfin au niveau local la mise en place de stratégies locales de développement durable (ou Agendas 21 locaux). L’ISO 26000 peut être le dernier volet de cette gouvernance au niveau de chacune des organisations. Ces lignes directrices reconnaissent la légitimité des institutions de chaque niveau. Elles permettent de décliner les accords internationaux à travers la notion de norme internationale de comportement. Elles reconnaissent les législations nationales, et de l’identification par les stratégies nationales des domaines d’action pertinents et des initiatives et actions pertinente en matière de développement durable.

Il est donc nécessaire que les institutions reconnaissent la responsabilité sociétale comme un levier de mise en œuvre du droit et de leurs stratégies et actions. Elles pourraient faciliter la mise en œuvre de la RS, accompagner les acteurs, mettre en place des initiatives et des processus faisant progresser les pratiques de RS.

Cette passerelle entre le monde des institutions et celui des engagements volontaires et des contrats entre acteurs privés, inscrite dans le texte dans l’ISO26000, a été établie par la diversité des parties prenantes conviées à écrire l’ISO26000. Le dispositif de suivi mis en place par l’ISO en vue de préparer la révision n’assure pas la mise en œuvre et la même mobilisation. Il convient donc d’organiser un dispositif qui ait une composition voisine de celle des participants à la rédaction. C’est la vocation du partenariat des Nations unies pour le développement durable qui est envisagé par l’Organisation Internationale de la Francophonie.

Bibliographie

ISO 26000 (F). (2010). ISO 26000, Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale. Genève: Organisation Internationale de Normalisation.