Discours durant la présentation de la charte environnementale de l’achat et de la vente de bois

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier de m’avoir invité à la présentation de votre charte et de me donner ainsi l’occasion d’être à l’écoute de votre profession sur laquelle nous comptons beaucoup pour contribuer à la cause du développement durable. Je veux également excuser Madame Nelly OLIN, notre nouvelle ministre de l’écologie et du développement durable, qu’un agenda chargé n’a pas permis d’être parmi nous aujourd’hui. Vous en imaginez aisément les raisons. Elle me charge de la représenter et de vous dire tous ses encouragements pour la poursuite de votre démarche et votre engagement par la charte que vous présentez aujourd’hui.

En son nom, mais également en ma qualité de délégué interministériel au développement durable, j’aimerais vous rappeler le soutien des pouvoirs publics – le ministère de l’agriculture, dont je salue le représentant, M. François de SARS, et le ministère de l’écologie et du développement durable où votre contact est M. Rémy RISSER – et souligner toute l’importance que nous accordons à votre initiative.

L’heure est aujourd’hui, en effet, au développement d’approches partenariales entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques, entre l’État et les entreprises. Elle est à la combinaison entre les approches réglementaires et les approches volontaires.

L’engagement du gouvernement dans sa stratégie nationale de développement durable, et plus particulièrement le programme d’action dit « État exemplaire », vise à mobiliser, notamment, la commande publique, qui représente près de 15 % du PIB, vers des produits respectant l’environnement, comme le permet la réforme du code des marchés publics intervenue en 2004. Cette proportion monte à 25 % pour les bois tropicaux du fait du poids de la commande publique sur le secteur du bâtiment et compte tenu que 65 % des bois exotiques sont utilisés dans la construction.

Pour cela un « Guide de l’achat public éco-responsable » à l’intention des acheteurs publics a été publié en février 2005, un site Internet ouvert et des formations mises en place pour les acheteurs publics. Un rapprochement a eu lieu avec le CNFPT pour la formation des acheteurs des collectivités locales. Cela aura aussi un effet d’entraînement sur les acheteurs privés. J’étais la semaine dernière en Alsace où une coordination existe dans cette région entre les acheteurs publics et privés.

Donc le message est clair : le marché change vers la responsabilité environnementale.

Pour ce qui vous concerne, en avril dernier, une circulaire du Premier ministre à tous les ministres en matière d’achat public de bois et de produits dérivés, engage les acheteurs publics vers la consommation de bois issus des systèmes de certification de la gestion durable des forêts et aux écolabels officiels pour les produits à base de bois.

La circulaire intègre la possibilité de fournir, au titre des renseignements sur les candidats, une attestation garantissant l’adhésion à une charte professionnelle comportant des engagements d’approvisionnement durable. Elle inclut, parmi les justificatifs pouvant être demandés en vue de l’attribution de certains marchés, un document qui atteste l’adhésion du distributeur à un code de bonne conduite, ou de bonnes pratiques, comprenant des engagements d’approvisionnement durable régulièrement contrôlés par une tierce partie indépendante. Vous voyez : l’État est « raccord » avec vos initiatives ; on avance à la même vitesse. Le nouveau dispositif tient compte des démarches professionnelles telles que votre charte, ce qui doit permettre à vos clients d’être valorisés lorsqu’ils répondront à des appels d’offre publics. J’espère que cette convergence entre la réglementation et votre engagement aura également, à terme, un effet sur les marchés privés de vos clients.

Je suis tout à fait en accord avec ce que disait Mme Élisabeth LAVILLE : il faut savoir dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. Mais il faut une tierce partie qui garantisse la véracité des informations. La confiance est à ce prix.

Il y a donc aujourd’hui une convergence entre les engagements publics et la labellisation. L’évolution des modes de production et de consommation passe par une évolution parallèle et progressive. Si l’on avance trop vite sur la demande et que le marché n’est pas prêt à fournir, le consommateur se lasse. Mais si l’offre dépasse la demande alors on peut s’engager dans une impasse temporaire. C’est donc grâce au dialogue que l’on peut avancer au même rythme.

J’insisterais particulièrement sur quelques points.

En premier lieu, la gestion durable des forêts et la lutte contre le commerce illégal des bois. Vous représentez une activité dont la matière principale, sinon unique, provient de la nature, que cette matière soit issue de forêts primaires ou de forêts transformées par l’aménagement forestier. Cette activité est l’un des vingt-quatre services écologiques répertoriés dans la récente évaluation des écosystèmes du millénaire, menée par les Nations Unies, et pour lesquels les experts font état d’une grande inquiétude ; 60 % d’entre eux sont en régression. Nous devons avoir en tête que le développement des pays occidentaux s’est largement appuyé sur la destruction de la forêt primaire. Les pays du Sud veulent emprunter la même voie. C’est difficile de leur donner des leçons. L’évaluation du millénaire montre que, dans les pays en développement, de nombreux services dépendent de la forêt. C’est moins vrai dans les pays industrialisés mais la saine gestion de la forêt y est un facteur de développement rural.

La nature dispense des services, le bois mais aussi d’autres types de productions et de valeurs, qu’il convient d’équilibrer. Dans les pays en développement, il s’agit de l’agroforesterie, de la production agricole sous couvert forestier, par exemple. Il faut raisonner de façon globale ; c’est là le cadre de la réflexion des systèmes de labellisation et de certification.

Un distributeur d’énergie a fait en Alsace une publicité sujette à caution. Celle-ci disait : « Consommez notre énergie, elle ne contribue pas à la destruction des forêts ». Il faut savoir que la région Alsace développe une politique de bois énergie. Le bois énergie, c’est bien. Le bois matériau, c’est mieux car cela permet de stocker le carbone. Vous comprenez que l’on a besoin de convaincre que l’utilisation du bois et de la forêt peut être faite de façon écologique.

Par ailleurs, la préservation et la gestion durable des forêts constituent un enjeu environnemental majeur à l’échelle de la planète car les forêts jouent un rôle irremplaçable dans l’atténuation des effets du changement climatique, dans la lutte contre la désertification et dans le maintien de la biodiversité terrestre dont elles sont le premier réservoir.

Dans le cadre des engagements de la France, l’État et les professionnels se sont engagés, en 2000, à faire progresser la part du bois dans la construction, l’objectif étant de la faire passer de 10 % à 12,5 % d’ici 2010. Le plan « Bois, Construction, Environnement » est issu des réflexions relatives à la réduction du dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre, que le bois utilisé dans la construction permet de stocker. La mise en œuvre du plan permettra d’utiliser annuellement 4 millions de m3 de bois supplémentaires dans la construction.

Le chantier du bâtiment et de la construction est essentiel. Vous êtes un des éléments de la chaîne seulement et il faut mobiliser tous les maillons de la chaîne de la construction.

Les propriétés naturelles du bois garantissent une excellente régulation thermique et hygrométrique qui protège l’intérieur d’une humidité excessive, été comme hiver. Ses qualités incontestables d’isolation acoustique et thermique permettent d’augmenter le confort tout en réduisant la facture énergétique.

Pour finir, j’aimerais replacer votre démarche dans le cadre plus général de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Votre charte vise principalement l’environnement mais aujourd’hui le concept de RSE progresse. Ce concept signifie essentiellement que les entreprises, de leur propre initiative, contribuent à des objectifs sociaux, à protéger l’environnement, en liaison avec les parties prenantes, et à mobiliser leurs consommateurs.

C’est le sens de la démarche que vous avez entamé de votre propre initiative : elle est dans le sens de l’histoire. Plusieurs appuis sont apportés à ce type de démarches tant au niveau national avec, notamment, la Stratégie nationale de développement durable, adoptée par le gouvernement le 3 juin 2003, qu’au niveau communautaire et mondial. Les approches en construction à l’ISO, aujourd’hui l’ISO 26 000, et les travaux préliminaires menés en France avec le SD 21 000 de l’AFNOR doivent pouvoir orienter le travail à venir.

Il y a deux jours se tenait à l’Élysée une réunion des entreprises signataires du Pacte mondial. Ces entreprises s’engagent sur les conventions des Nations Unies relatives à l’environnement, aux droits de l’homme, aux droit du travail et à la lutte contre la corruption. Par ailleurs, des systèmes de reporting, comme la GRI, tracent le cadre des rapports de développement durable. Nous entrons donc dans un système nouveau dans lequel les entreprises prennent en compte des intérêts plus larges que ceux du moins-disant et de l’économie à court terme.

Dans ces nouvelles approches, il est essentiel que les professions réfléchissent et mettent en place les stratégies qui leur permettent d’être insérées dans le processus, dans le sens de l’histoire.

Tout cela nécessite un dialogue continu entre les pouvoirs publics, la société civile, les entreprises. Chacun doit entendre les attentes et les difficultés de l’autre. Il faut, d’une part, que le processus avance suffisamment rapidement avec des échéances crédibles. Mais chacun doit, d’autre part, s’adapter, apprendre à comprendre les autres et pour cela il faut du temps. Pour le développement durable, le temps est aussi une ressource.

C’est ce dialogue qui est le sens de ma venue. Il faut aussi avoir des lieux de concertation. C’est pourquoi nous avons tenu le 2 juin 2005 les « États généraux de l’entreprise » pour développer une relation constante entre l’administration et les entreprises, pour développer un modèle d’approche et de partenariat public-privé. Ma présence est l’illustration de cette volonté de dialogue.

Je vous remercie de votre attention.

Source : http://www.ecologie.gouv.fr/article.php3?id_article=4313