Développement durable et partenariat

La participation et le partenariat font partie des approches proposées dans le cadre du développement durable. En effet l’ampleur et la complexité des enjeux impliquent de mobiliser des acteurs et non de chercher uniquement à les contraindre. Il s’agit donc de combiner des approches réglementaires, économiques et volontaires.

Au niveau international l’Agenda 21, le texte programmatique de Rio en 1992, introduit la notion de « grands groupes », les organisations qui ont un rôle essentiel à jouer pour le développement durable : femmes, jeunes, populations autochtones, entreprises, agriculteurs, syndicats, ONG, scientifiques et collectivités locales. Ces acteurs, supposés représenter la société mondiale, sont conviés à participer comme observateurs aux réunions internationales.

Au niveau local les collectivités sont invitées à décliner ces engagements internationaux sous forme « d’Agendas 21 locaux » véritables stratégies partagées du territoire élaborées en partenariat avec les acteurs du territoire : les représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. La Loi Voynet propose de réunir ces acteurs dans un « Conseil de développement » au niveau des agglomérations et des pays [[Articles 22 et 23 de la LOADDT, Loi n°99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire]]. Ces conseils devraient permettre d’innover, d’informer et de mobiliser les citoyens pour des usages sobres et équitables du territoire, la maîtrise de la mobilité, un usage efficient des ressources, un développement économique responsable… Ces approches partenariales permettent de tisser les liens les plus fins de solidarité et de citoyenneté sur le territoire. Associer les acteurs de la société à la chose publique, aux décisions et à leur évaluation fait partie des mécanismes dits de « gouvernance » qui permettent d’organiser les relations avec les « parties intéressées »…

La gouvernance

Parmi les différentes définitions de la gouvernance on peut citer la plus récente, celle de l’Union Européenne qui considère que cette notion : « désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l’exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l’ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l’efficacité et de la cohérence. Cinq principes (qui) sont à la base d’une bonne gouvernance et des changements proposés dans le présent Livre blanc. »[[Gouvernance européenne, un livre blanc, Commission des communautés européennes, Bruxelles, le 25.7.2001, COM(2001) 428 final, http://europa.eu.int/comm/governance/index_fr.htm.]]

Dans le contexte du développement durable on peut considérer que la gouvernance est un processus de décision collectif n’imposant pas systématiquement une situation d’autorité. En effet dans un système complexe et incertain, pour lequel les différents enjeux sont liés, aucun des acteurs ne dispose de toute l’information et de toute l’autorité pour mener à bien une stratégie d’ensemble inscrite dans le long terme. Cette stratégie ne peut donc émerger que d’une coopération entre les institutions et les différentes parties intéressées, dans laquelle chacune exerce pleinement ses responsabilités et ses compétences.

Dans ce contexte c’est l’exercice même de l’autorité politique qui est interpellée. Le politique joue alors aussi un rôle de médiateur entre les « parties intéressées », d’accoucheur d’une position politique consensuelle, de construction d’un processus de prise de conscience collective. Il ne peut plus être celui qui use son autorité pour imposer la « bonne solution », car il n’est de bonne solution que partagée. La décision relève bien entendu de la responsabilité politique classique, mais elle est éclairée par la consultation en amont. Conçue ainsi la gouvernance n’affaiblit pas le pouvoir institutionnel elle en renforce la légitimité et la pertinence.

La limite de la consultation des parties intéressées

Mais il ne suffit pas de réunir l’ensemble des parties intéressées pour définir la solution la plus acceptable. Le rapport Brundtland qui défini le développement durable précise que deux concepts sont inhérents à cette notion : « le concept de « besoin », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.»[[Notre avenir à tous, Commission mondiale sur l’environnement et le développement (Commission Brundtland), Editions du Fleuve, publications du Québec, chapitre 2, vers un développement soutenable, 1989, http://www.agora21.org/dd.html]]. Le problème des besoins des plus démunis est la principale base sociale du concept de développement durable. L’attention apportée aux plus faibles, principe éthique de solidarité, dépasse la seule approche de la démocratie du nombre. De même les limites de l’environnement doivent être considérées comme s’imposant aux acteurs, ce qui est rarement pris en compte par des acteurs eux-mêmes qui ignorent certains problèmes, il faut donc les informer et les sensibiliser en amont.

La recherche du consensus lors d’une consultation des parties intéressées est donc nécessaire mais pas suffisante pour atteindre le développement durable car quelques clivages de fonds traversent le développement durable.

Le premier clivage est temporel : comment arbitrer les intérêts entre les humains contemporains d’une part et les générations futures de l’autre ? Le deuxième est géopolitique et vise l’application d’un principe d’équité entre les pays du Nord et ceux du Sud, qui ont des responsabilités très différentes sur la dégradation de l’environnement. Le troisième clivage oppose enfin les êtres humains et les autres êtres vivants. Or les rapports de force dans la « négociation » sont inéquitables, ou même impossibles à révéler, puisque certains tiers sont absents comme les générations futures. Seuls des principes à la fois scientifiques et éthiques et des procédures adéquates peuvent compenser la « faiblesse » de certains acteurs.

– La protection des écosystèmes devient un principe éthique s’appuyant aussi bien sur des principes de responsabilité que d’utilité.
– La prise en compte des intérêts des plus faibles, aussi bien dans nos pays que vis à vis des pays en développement, principe de solidarité.
– L’évitement des irréversibilités est un principe qui supplée au fait que les générations futures (les tiers absents) ne peuvent faire valoir leur point de vue.

Principes pour une bonne gouvernance

La bonne gouvernance doit pouvoir s’adapter aux différents contextes tout en les faisant évoluer, elle repose sur quelques principes qui doivent régir les relations entre les acteurs :

– clarification des rôles et des responsabilités : les institutions doivent être lisibles et compréhensibles pour tous les acteurs

– procédures de partage des objectifs : les objectifs et les stratégies des différents acteurs doivent être parfaitement lisibles et des procédures de dialogue doivent permettre que les objectifs partagés soient identifiés (recherche du consensus)

– renforcement des capacités de chacun des acteurs : l’efficacité de l’ensemble dépend de celle des parties, chacun doit donc participer au renforcement des capacités des partenaires

transparence : le principe de l’accès à l’information et de la transparence sur les objectifs et les moyens (contrats, budgets…) est la base de la coopération et du partenariat

– confiance : reposant sur la transparence, la confiance est conditionnée par la lutte contre la corruption et la prévention par la mise en place de mécanismes qui permettent de l’éviter, par exemple des approches multiacteurs des problèmes et des décisions

– évaluation : la capacité d’évaluer les résultats des politiques et des programmes doit reposer sur la construction de systèmes de mesure, de collecte d’information, et de réévaluation dans une perspective d’amélioration continue (principe de la roue de Demming en usage dans les certifications qualité ou environnement ISO 9000 ou ISO 14000).

– concertation contractualisation : l’ensemble des relations entre les acteurs dans la concertation doit pouvoir conduire à des approches contractuelles scellant la reconnaissance du rôle de chacun des acteurs.

source : http://www.agora21.org/articles/brodhag02a.htm