Déclaration de Saint-Etienne

Déclaration rédigée lors de l’Université d’Eté Francophone sur le développement durable et les systèmes d’information qui s’est tenue à  Saint-Etienne du 5 au 9 juillet 1999

Texte PDF de la Déclaration

Des représentants de pays ayant en partage l’usage du français d’Afrique, de l’Océan Indien des Caraïbes et d’Europe, représentant une vingtaine de pays, de différents secteurs administrations, universitaires et ONG, et participant à la première Université d’Eté Francophone sur le développement durable et les systèmes d’information ont adopté au terme de leurs travaux la résolution, les recommandations et les engagements suivants.

1 – Résolution

Nous partageons tous la même vision : l’information est une ressource clé pour la mise en œuvre du développement durable. Nous partageons l’analyse faite au chapitre 40 de l’Agenda 21 qui est consacré à l’information pour la prise de décisions : « chacun est un utilisateur et un fournisseur d’informations, au sens large. Il faut entendre par cela des données, des renseignements, des expériences présentées de façon appropriée et des connaissances. Le besoin d’informations se fait sentir à tous les niveaux, du niveau national et international chez les principaux décideurs au niveau local et à celui de l’individu. Pour veiller à ce que les décisions soient de plus en plus fondées sur des informations correctes, il y a lieu d’appliquer les deux éléments ci-après du programme : a) Elimination du fossé qui existe en matière d’information; b) Amélioration de l’accès à l’information. »[1]

Nous reprenons à notre compte les propositions des différentes conventions sur l’importance de l’éducation, de la sensibilisation et des échanges d’informations : articles 13 et 17 pour la Convention sur la diversité biologique, articles 6, 5 et 12 pour la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques et articles 19 et 16 pour Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification… Nous accordons une grande importance aux données géoréférencées, et au fait que les obligations induites par les conventions en matière d’information peuvent contribuer à bâtir un système d’information cohérent.

 

Nous considérons que l’information nécessaire pour un développement durable, comme la connaissance qui lui est intimement liée, est un des biens publics essentiels au sens de la récente étude du PNUD[2], et qu’il convient d’en analyser les limites.

« Tous les biens publics, qu’ils soient d’ordre local, national ou mondial ont tendance à être produits en quantité insuffisante. La raison en est précisément qu’ils sont publics. Pour les individus, la meilleure et la plus rationnelle des stratégies consiste souvent à laisser à d’autres le soin de fournir le bien, afin d’en profiter gratuitement. A l’échelon international, cette question de l’action collective est aggravée par le fossé entre les externalités dont la portée devient de plus en plus internationale, et le fait que les principaux preneurs de décision restent les Etats-nations. »[3]

La production du bien public « information » nécessite une implication des différents niveaux (internationaux, nationaux et locaux) et des différents secteurs privés et publics.

Elle nécessite l’adhésion à une éthique forte de la coopération au service de l’équité et de la responsabilité, pour éviter toute utilisation partisane.

 

Dans ce contexte la mise en œuvre de l’information pour le développement durable repose sur des principes essentiels :

  • elle doit être produite en qualité et en quantité suffisante par de nombreux acteurs publics (administrations, organismes de formation et de recherche…), privés (associations, entreprises…), les ONG etc…
  • elle doit être accessible tant par les voies traditionnelles de l’écrit, par les réseaux de diffusion de l’information et de la connaissance (système éducatif, journalistes…) que par les techniques modernes de communication (Internet) et de représentations (SIG…) directement et à travers des centres de ressources qui doivent s’adresser aussi aux populations locales.
  • l’utilisation des différentes langues est une nécessité tant pour toucher réellement les acteurs du développement durable sur le terrain que pour garantir et valoriser une diversité culturelle et une variété de propositions et de solutions. L’usage des différentes langues signifie à la fois le plein usage au niveau international des différentes langues de travail des Nations-Unies et au niveau régional et national des différentes langues parlées
  • les moyens modernes de traitement, d’analyse, de mise en forme et de transmission et d’accès de ces informations doivent être largement accessibles à tous les niveaux depuis le niveau international jusqu’au niveau le plus proche du terrain.
  • le système d’information doit à la fois permettre la communication descendante et ascendante, mais aussi horizontale à travers la constitution de réseaux, notamment d’échange d’expériences, sous des formes attractives et pédagogiques. Par communication horizontale, on entend aussi les échanges Sud/Sud.

Cette démarche, permettant l’organisation d’un système d’information cohérent et diversifié, a un coût qu’il convient d’assumer à long terme. Trop souvent, en effet, les systèmes d’information, la mise en place des réseaux, la constitution de bases de données… sont financés dans leur phase initiale sans que leur actualisation et leur animation ne soient prises en compte dans les financements et assurées dans la durée.

Constituer un système global d’information et de communication sur le développement durable, dans une perspective de création de bien public et de diminution du coût d’accès à l’information, nécessite donc :

  • le développement d’un esprit de coopération entre tous les acteurs
  • l’engagement des organismes internationaux, nationaux et locaux
  • la mise en place d’une normalisation des protocoles de communication, des formats des données, des thesaurus, voire de logiciels dont la pérennité soit garantie dans le domaine public.

Les réseaux thématiques spécialisés semblent les plus aptes à être mis en œuvre avec efficacité au niveau national et sous-régional mais ils posent deux types de problèmes :

  • La notion de développement durable est nécessairement intersectorielle et privilégie les outils d’intégration. Des mécanismes d’échange doivent donc assurer la cohérence entre des problèmes et réseaux spécifiques (climat, biodiversité, désertification, eau, agriculture, industrie, ville…) et permettre la mise en place d’outils de gouvernance du développement durable : indicateurs de développement durable, Agenda 21 locaux, processus de participation dans chacun des réseaux thématiques… Un travail commun sur l’information est proposé dans la convention de lutte contre la désertification qui recommande « l’exécution de programmes communs, en particulier dans les domaines de la recherche, de la formation, de l’observation systématique ainsi que de la collecte et de l’échange d’informations »[4].
  • Les problèmes de mise en œuvre, l’utilisation et la maîtrise des logiciels, le matériel, l’accès aux lignes… ne seront plus facilement résolus qu’au travers de systèmes de coopération technique, et de la mise en place de plates-formes communes, dans une politique du renforcement des capacités cohérente et efficiente.

2 – Recommandations[5]

Recommandations aux organismes internationaux fournisseurs de données :

  • La diffusion des informations électroniques doit être faite dans les langues de travail des Nations Unies, dont le français. Une réorganisation des sites internationaux est nécessaire pour assurer un accès réellement multilingue et un référencement correct par les moteurs de recherche internationaux. L’utilisation de référentiels communs de méta-information faciliterait l’accès à l’information par des moteurs de recherche spécialisés sur un thème ou sur une langue.
  • Il est nécessaire de garantir un accès gratuit aux informations essentielles pour le développement durable et d’accorder une priorité à l’utilisation de logiciels libres dans les projets pour participer à la construction d’une capacité collective et d’un accès équitable à l’information et aux outils informatiques. Cette proposition s’applique aux informations disponibles mais implique aussi leur collecte quand elles ne le sont pas.

Recommandations aux organismes internationaux financeurs :

  • Le volet information est essentiel pour le pilotage et l’évaluation de tout projet de développement. Tout projet doit donc réserver un financement suffisant à la collecte, au traitement et à la transmission de l’information auprès de toutes les parties impliquées dans leur mise en œuvre.
  • L’information et la sensibilisation doivent être effectuées au plus près des acteurs de terrain et des populations locales. Les ONG, les journalistes et le corps enseignant jouent chacun dans leur domaine ce rôle. Ils doivent être reconnus dans l’organisation des systèmes d’information et l’accès aux centres de ressources, ils doivent disposer des informations et des outils pour leur permettre d’assumer ce rôle. Les ONG doivent recevoir les soutiens financiers nécessaires à leur mission.
  • Le renforcement des capacités en matière d’information électronique doit être cohérent sur un territoire. C’est pourquoi, un état des lieux, tant des besoins que des capacités des pays à y faire face, doit être un préalable aux prochaines réflexions qui seront menées en préparation de la Commission du développement durable de 2001 qui sera consacrée entre autres à l’information.

[1]     Agenda 21 § 40.1.

[2]     Les biens publics à l’échelle mondiale, La coopération internationale au XXIè siècle, Dirigé par Inge Kaul, Isabelle Grunberg, Marc A. Stern, publié pour le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) New York Oxford Oxford University Press 1999

[3]     http://www.undp.org/globalpublicgoods/French/french.html

[4]     Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, Article 8 Liens avec d’autres conventions

[5]     Des recommandations spécifiques aux organismes francophones et un engagement des participants complète cette déclaration disponible en totalité sur le site http://www.agora21.org/univ-ete-fr/declarat.htm