La performance du Cycle de Vie un enjeu économique stratégique pour les entreprises

Christian Brodhag, Président du Pôle Ecoconception

La performance du cycle de vie des produits et services s’impose aujourd’hui à toutes les échelles. Cela va modifier profondément les processus économiques. Les entreprises n’ont pas toujours mesuré l’impact de ce changement et la nécessité de l’intégrer dans leur stratégie.

Les enjeux environnementaux globaux notamment climatiques conduisent considérer les questions au-delà des  frontières nationales. 28% des émissions mondiales des gaz à effet de serre sont transférées entre pays via les importations et exportations de biens et de service.  En 2010, 27% des émissions chinoises ont été liées à des biens exportés.  La France est de son côté largement importatrice. Les émissions « officielles » de la France, fondées sur la production, ont diminué de 7,5% entre 1990 et 2010. Mais en fait en tenant compte des importations elles ont augmenté de 14% sur la même période.

Si la Convention climat reste fondée sur des engagements nationaux sur les émissions dues à la production, le programme de développement 2015-2030 des Nations Unies, à travers notamment l’objectif de développement durable 12 sur la consommation et la production durable  fait référence à l’approche cycle de vie.

La nouvelle version 2015 de l’ISO14001, la norme de management environnemental, qui était limitée jusque-là aux seuls périmètres des entreprises et des sites de production intègre maintenant la perspective du cycle de vie. Les certificateurs identifient cette nouvelle question comme un point faible chez beaucoup d’entreprises auditées.

Ces évolutions institutionnelles rejoignent l’attente des consommateurs d’une meilleure traçabilité des produits. Principalement orienté vers l’environnement, ces approches touchent aussi les questions sociales.

Il est question de minimiser les impacts et l’usage de ressources à toutes les étapes les matières premières, la fabrication, les transports, l’usage et la fin de vie. Mais il est aussi question de maximiser la valeur, tant économique que sociale.

Dans le bâtiment l’optimisation seule de la consommation d’énergie du bâtiment neuf ne suffit pas, il faut utiliser des matériaux bas carbone, s’intéresser aux usages et aux comportements des habitants, augmenter la durée de vie économique des bâtiments par des rénovations profondes, valoriser les déchets en fin de vie…. Les récents Awards de Construction 21 ont démontré que les architectes et entrepreneurs étaient capables aujourd’hui de relever ce défi et d’appréhender toutes ces questions en restant dans le prix du marché.

L’étude menée par le Pôle Eco-conception sur près de 150 entreprises avait déjà montré les gains économiques de l’écoconception. Dans 96% des cas étudiés, l’éco-conception avait permis d’augmenter la performance globale de l’entreprise ; et dans 45% des cas les entreprises avaient réussi à augmenter leur marge brute en éco-innovant.

Une approche stratégique du cycle de vie est créatrice de valeur et de performance. Ce n’est ni une charge et ni un surcoût. Cette intégration dans la stratégie des entreprises au cœur du modèle économique passe par trois niveaux :

  • Penser cycle de vie pour innover et développer de nouveaux produits ou services.
  • Évaluer le cycle de vie, c’est-à-dire acquérir les informations, fonder les décisions et rendre compte notamment aux consommateurs
  • Manager et assurer une maîtrise de l’ensemble du cycle et la valeur créée à toutes les étapes,  par la contractualisation ou le partenariat ou même la servicisation c’est-à-dire le remplacement de la vente d’un produit par un  service

Aujourd’hui on dispose sur toutes ces questions d’outils et de méthodes. Le point sera fait lors du colloque Eco-innovation, événement co-organisé par l’ADEME et le Pôle Eco-conception, qui se déroulera à Lyon le 25 octobre 2018.

[1] Meike Fink, Célia Gautier. Les émissions importées. Le passager clandestin du commerce mondial. RAC, ADEME, CITEPA. Avril 2013. https://reseauactionclimat.org/publications/emissions-importees-passager-clandestin-commerce-mondial/