Normalisation internationale et développement durable

Les institutions internationales des Nations Unies s’avèrent aujourd’hui incapables de mettre en place le cadre institutionnel, législatif et réglementaire permettant de réguler les conséquences environnementales et sociales de la mondialisation économique. Cette incapacité ne tient pas aux institutions elles-mêmes, mais à leur mandat politique. La déclaration de Johannesburg pouvait affirmer que « pour atteindre nos objectifs de développement durable, il nous faut des institutions internationales et multilatérales plus efficaces, plus démocratiques et plus comptables de leurs actes » majoritairement les pays n’en veulent pas. Malgré l’engagement du président Jacques Chirac sur ce thème, la France n’a pu imposer la mise en place d’une Organisation Mondiale de l’Environnement.

Les pays peuvent aujourd’hui choisir à la carte de ratifier telle ou telle convention internationale. Les Etats Unis refusent de ratifier les engagements sur le climat (le protocole de Kyoto) tel autre pays en développement refusera de ratifier les accords de l’Organisation Internationale du Travail. Pour éviter que les multinationales s’engouffrent dans ces lacunes en pratiquant le dumping social et environnemental, les Nations Unies ont tenté d’obtenir leur engagement direct sur les principaux accords internationaux. L’initiative du Pacte Mondial (Global Compact) lancée par le Secrétaire général des Nations Unies en 1999 à Davos vise à faire prendre des engagements aux entreprises sur 9 principes tirés des accords internationaux : la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Déclaration de l’Organisation Internationale du Travail relative aux principes et droits fondamentaux du travail et la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement. L’introduction d’un principe concernant la lutte contre la corruption est actuellement envisagée, en accord avec la Convention internationale élaborée sur ce thème à l’automne 2003. Une forte mobilisation des pouvoirs publics a conduit 335 entreprises françaises à signer cet engagement soit 20% des 1634 entreprises signataires à la mi-juin. La France est suivie par l’Espagne 12,5%, les Philippines, le Brésil, l’Inde. Seulement 61 entreprises ayant leur siège aux Etats-Unis ont signé.

Mais des engagements sans vérification risquent de se limiter au seul discours. C’est pourquoi l’initiative GRI (Global Reporting Initiative) a établi le cadre des rapports de développement durable que les entreprises devraient établir selon une obligation de rendre compte (accountability) qui s’impose de plus en plus au niveau international.

C’est dans ce contexte que l’Organisation Internationale de la Normalisation (ISO) a constitué un Groupe consultatif à haut niveau sur la responsabilité sociétale des entreprises (SAG CSR). Le rapport de ce groupe a été discuté à Stockholm les 21 et 22 juin avec une assemblée très diversifiée d’entreprises, de syndicats, d’associations et des administrations des pays. Le TNB organisme dirigeant de l’ISO va prendre la décision de créer, ou non, un Comité technique sur cette question,

D’ores et déjà quelques points de consensus émergent.

Les inquiétudes, notamment des syndicats, de voir des systèmes volontaires, des lois molles, se substituer à la construction des conventions internationales. Le système à construire devrait donc faire référence aux cadres juridiques nationaux et internationaux.

Les entreprises semblent refuser de voir un système de management certifié (type ISO 9001 ou 14001) prendre en charge une telle question. Certains industriels critiquant même la tentation des milieux des consultants de vouloir créer un nouveau marché. S’il devait se développer, l’outil devrait se limiter à des lignes directrices.

L’outil devrait être applicable à tout type d’entreprise pour permettre de suivre la chaîne des fournisseurs.

Enfin la variété des situations et des contextes notamment culturels implique que cet outil soit flexible dans sa mise en œuvre.

Quelques points restent en suspens notamment le périmètre des thèmes à prendre en charge, et la prise en compte globale du développement durable. Une version « allégée » de la RSE pouvant se contenter d’un discours éthique désincarné ou de la seule prise en compte des attentes des parties intéressées immédiates et de leurs aspirations en termes de qualité de la vie. Or certains thèmes plus globaux comme les changements climatiques, ou tout simplement les intérêts des générations futures qui sont au cœur du développement durable, pourraient en être exclu.

La France dispose d’un outil reconnu le SD 21000. La commission de l’AFNOR qui l’avait élaboré était diverse et avait parfaitement ciblé le consensus qui s’est fait jour à l’ISO. Une expérimentation lancée dans la plupart des régions devrait permettre d’impliquer près de 300 PME dans le développement des outils d’accompagnement de la norme, et renforce la crédibilité de l’approche.

Il restera à mobiliser les grandes entreprises françaises, qui à quelques exceptions près, ne se sont pas impliquées considérant que le SD 21000 était bon pour les PME mais qu’elles pouvaient développer leurs approches « maison ». Enfin comme les normes volontaires sont l’avant-garde des réglementations et des négociations internationales, il serait souhaitable que la diplomatie française s’y intéresse. Le récent colloque de Ouagadougou, préparatoire au Sommet des Chefs d’Etats francophones qui sera consacré à l’automne au développement durable, a d’ailleurs identifié la nécessité d’impliquer dans ces débats les réseaux francophones (pouvoirs publics, entreprises, associations…), pour éviter la domination du monde anglo-saxon et de ses façons de penser.

Nous sommes bien au cœur de la mondialisation.